Olivier Père

Le Labyrinthe de Pan de Guillermo Del Toro

ARTE diffuse Le Labyrinthe de Pan (El laberinto del fauno, 2006) de Guillermo Del Toro lundi 22 août à 23h. Le film sera disponible en télévision de rattrapage pendant sept jours sur ARTE+7.

Le meilleur film fantastique espagnol moderne, et par extension du cinéma européen contemporain, a donc été mis en scène par un cinéaste mexicain installé à Hollywood. Guillermo Del Toro avait déjà réalisé en Espagne en 2001 L’Echine du diable. Cinq ans plus tard, Le Labyrinthe de Pan s’inscrit dans le prolongement direct de ce long métrage, et le surpasse à tous points de vue. L’Echine du diable prenait lui aussi pour cadre la guerre civile, et mêlait à l’horreur et la violence de l’Histoire, bien réelles, des apparitions spectrales et les tourments de l’enfance. Dans Le Labyrinthe de Pan, une petite fille à l’imagination fertile, passionnée par les contes de fées, fuit une condition peu enviable – sa mère s’est remariée avec un officier cruel de l’armée franquiste – et se réfugie dans le monde fantastique des créatures de la forêt, accueillie par un vieux faune qui la prend pour une princesse. Del Toro combine avec beaucoup d’habileté les deux dimensions du film, celle de la guerre acharnée entre les résistants républicains et les fascistes, et les trois épreuves que doit réussir la petite fille pour retrouver son royaume. Del Toro présente le capitaine Vidal comme un monstre bien plus terrifiant et dangereux que ceux que Ofelia va croiser dans ses escapades nocturnes – un crapaud géant, un ogre aveugle sorti d’une gravure de Goya. Malgré son esthétisme néo-gothique, son inspiration visuelle flamboyante, Le Labyrinthe de Pan n’est pas un simple livre d’images rempli de références littéraires, picturales ou cinématographiques. Del Toro traite avec intelligence de la corruption absolue, d’un monde infernal où le rêve – et la mort – sont les seules échappatoires à l’horreur. Il s’intéresse aussi à la façon dont une enfant se soustrait à l’emprise négative des adultes et invente ses propres moyens de défense et de résistance, jusqu’à une forme d’héroïsme. Ainsi, Le Labyrinthe de Pan est-il finalement plus proche de Jeux interdits, L’Esprit de la ruche ou Cria Cuervos que des derniers films de Tim Burton où la surcharge décorative, les effets numériques dissimulent mal la vacuité de l’ensemble. Dommage que Del Toro ait abandonné la gravité et la profondeur du Labyrinthe de Pan dans ses films suivants, sympathiques mais saturés d’effets spéciaux ou privilégiant le décorum à la puissance de l’intrigue et des personnages.

 

 

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