Olivier Père

La Galaxie de la terreur de Bruce D. Clark

Bach Films édite en DVD pour la première fois en France La Galaxie de la terreur (Galaxy of Terror, 1981), film de science-fiction horrifique qui retint l’attention des amateurs de cinéma d’exploitation américain au moment de sa sortie et devint rapidement l’objet d’un culte fervent bien que confidentiel. La Galaxie de la terreur possède toutes les qualités qu’on peut rêver d’une production à petit budget du début années 80 sortie de la New World, la société de Roger Corman qui reprit le flambeau des films pour drive-in ou salles de doubles programmes livrés à la chaîne par American International Pictures lors des deux décennies précédentes. A la tête de la New World Corman produisit ou distribua avec opportunisme des bandes appartenant aux genres ou aux sous-genres à la mode, plagiant avec régularité les succès du moment : films de prisons de femmes, films de guerre du Vietnam, de bikers, films d’Heroic Fantasy ou space operas du pauvre pour profiter de l’engouement du public pour Conan le barbare et Alien, le 8ème passagerLa Galaxie de la terreur, comme Mutant sorti un an plus tard, appartient sans conteste à cette dernière catégorie, et emprunte pas mal d’éléments au classique de Ridley Scott : l’équipage d’un vaisseau spatial est décimé d’horrible manière lors d’une mission de sauvetage sur une planète inhospitalière (pour le scénario), une atmosphère oppressante et sombre dans les boyaux d’un astronef ou de ruines extraterrestres (pour l’ambiance et les décors).

La Galaxie de la terreur

La Galaxie de la terreur

Pourtant, une fois n’est pas coutume, l’intérêt de La Galaxie de la terreur réside dans ce qui le distingue d’Alien, pas dans ce qu’il essaye d’imiter. Le film de Bruce D. Clark – réalisateur allait ensuite disparaître de la circulation – est loin d’être le nanar que certains prétendent. Avec des moyens limités il développe une histoire ambitieuse qui s’inscrit dans une certaine tradition de la littérature de science-fiction, les romans pulp ou la série télévisée La Quatrième Dimension, davantage que dans l’approche hyperréaliste du Alien de Ridley Scott. On constatera aussi certaines similitudes avec Planète interdite, chef-d’œuvre de la science-fiction des années 50, et même Solaris de Andreï Tarkovski. La Galaxie de la terreur développe un récit original dans lequel les membres de l’équipage sont confrontés à la matérialisation de leurs peurs les plus intimes. C’est leur propre imagination qui génère des apparitions terrifiantes et mortelles à différentes étapes de l’histoire. La révélation finale oriente le film vers un gigantesque jeu de société à l’échelle du cosmos, créé pour les enfants d’une espèce disparue, où les personnages n’étaient que des pions. Ce postulat ludique n’entraîne pourtant pas les auteurs de La Galaxie de la terreur vers une mise en abyme réflexive. Le film de Bruce D. Clark est l’une des plus convaincantes illustrations à l’écran des bandes dessinées pour adultes mêlant sexe, action et violence avec souvent plus de folie qu’au cinéma. C’est pour cette raison qu’il a autant frappé les esprits, au risque d’occulter ses autres qualités. Les morts successives des membres de l’équipage surprennent par leur inventivité et leur sadisme. Une dague en cristal se brise et vient pénétrer le corps de son propriétaire. Une femme est transformée en chair à saucisse, le corps lacéré par des tiges de métal dans un conduit d’aération. La pilote est brûlée vive… Mais la palme du mauvais goût revient à la plus fameuse séquence du film, le viol d’une femme aux formes appétissantes – qui venait d’avouer sa phobie des asticots – par un ver géant particulièrement lubrique, qui lui arrache ses vêtements et la couvre de bave. Roger Corman exigeait que toutes ses productions exhibent au moins une fois une poitrine féminine, il fut ici comblé, sans doute au-delà de ses espérances. La violence, l’érotisme – même très particulier – de La Galaxie de la terreur sans oublier son scénario astucieux le distinguent des films de séries B et Z qui fleurirent dans les années 80. Des dialogues cornichons et la présence des sympathiques grognards aux trognes familières du cinéma « grindhouse » Zalman King, Grace Zabriskie, Sid Haig ou Robert Englund ajoutent au charme unique de ce film de science-fiction pas comme les autres. Au générique on découvre la présence du jeune James Cameron aux postes clé de directeur artistique et réalisateur de seconde équipe. Cameron déploiera des trésors d’imagination pour fabriquer des décors et maquettes convenables avec un budget de misère. Le film lui doit beaucoup. Certaines scènes ou images de La Galaxie de la terreur annoncent Terminator et Aliens, le retour. Notons enfin que La Galaxie de la terreur bénéficia lors de son exploitation d’une affiche incroyable, fruit du délire d’un illustrateur qui inventa des monstres absents du film, et qui fit fantasmer pas mal d’adolescents. Merci à Bach Films de nous l’offrir en lobby card, dans un DVD qui réjouira tous les amateurs de cinéma bis.

 

 

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