Dans le cadre de sa semaine Shakespeare ARTE diffuse jeudi 28 avril à 23h55 Othello (The Tragedy of Othello: The Moor of Venice, 1952) de Orson Welles.
Welles possédait une connaissance parfaite et intime de l’œuvre de Shakespeare qu’il mis en scène avec la troupe du Mercury Theater et adapta à plusieurs reprises d’abord à la radio puis au cinéma, avec des fortunes diverses : Macbeth (1948), Othello, Falstaff (1963) qui est une refonte de plusieurs tragédies de Shakespeare – Richard II, Henri IV, Henri V, Les Joyeuses Commères de Windsor, enfin The Merchant of Venice tourné en 1969 pour la télévision américaine et jamais terminé.
Othello de Orson Welles remporta le Grand Prix du Festival de Cannes. Le film y était présenté sous pavillon marocain. En effet pour des raisons budgétaires le film fut essentiellement tourné au Maroc, et Welles dut attendre trois ans avant que Othello trouve un distributeur américain. La production et l’équipe artistique étaient principalement constituées d’Italiens, de Français (notamment le génial décorateur Alexandre Trauner qui fera des miracles) et d’Américains.
Le tournage s’étala trois ans et dut s’interrompre deux fois faute d’argent, avec des changements de distribution (Desdémone), une successions de directeurs de la photographie et de monteurs de nationalité différentes comme cela se reproduira sur le tournage du film (inachevé) sur Don Quichotte. Welles accepta des rôles secondaires dans Le Troisième Homme et deux autres films afin de financer Othello avec ses cachets d’acteur. Les contingences d’un tournage chaotique ne font qu’exacerber le baroquisme du style de Welles. Des plans de la même séquence sont tournés à Venise et au Maroc. Plusieurs mois peuvent séparer un champ de son contre-champ. Faute de costumes Welles trouve l’idée de tourner une scène décisive dans des bains turcs… Pourtant Othello est l’un des films de Welles les plus impressionnants sur le plan visuels. Le cinéaste organise avec génie un ballet incessant d’ombres et de lumières, joue tel un virtuose de l’espace avec les échelles de plans et les perspectives, opte pour un montage expérimental (le film comprend 2 000 plans) qui le fait rivaliser avec Eisenstein. Les excès formalistes de Welles sont au service d’une intelligence exceptionnelle du texte de Shakespeare. En renforçant l’importance du personnage de Iago (le grand acteur dublinois Micheál MacLiammóir) Welles interprète la pièce comme l’histoire de la haine viscérale d’un homme contre son maître, un riche étranger davantage qu’une tragédie de la jalousie conjugale. Dans un geste à la fois artistique et politique Welles – en totale identification avec le seigneur Maure amplifie dans Othello le thème de la trahison qui traverse la plupart de ses films.
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