Olivier Père

Last Days de Gus Van Sant

ARTE propose une soirée Gus Van Sant mercredi 6 avril, en partenariat avec Cinémathèque française qui rend hommage au cinéaste de Portland, Oregon à partir du 13 avril. Deux films seront diffusés sur ARTE : Promised Land (2012) à 20h55 et Last Days (2005) à 22h40.

Last Days clôt une série de trois films débutée par Gerry et Elephant. Ces trois films hantés par la mort affirment la singularité de Gus Van Sant dans le panorama du cinéma américain contemporain. Issu de la culture underground et du rock, lecteur de la beat génération (Burroughs, Ginsberg), Gus Van Sant va amorcer au début des années 2000 de surprenants rapprochements entre l’héritage romantique du cinéma des « mavericks » américains (on pense à Nicholas Ray) et la modernité européenne la plus radicale. Gerry évoque Bela Tarr, Elephant s’inspire du moyen métrage éponyme de Alan Clarke, enfin Last Days revendique ouvertement l’influence de Chantal Akerman, que l’on devinait déjà dans les deux films précédents. Pour filmer à l’intérieur de la maison Gus Van Sant et son directeur de la photographie Harris Savides reprenne le dispositif inventé par Akerman dans son chef-d’œuvre Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles : des plans fixes, hyper cadrés cadrés (au format 1.37) et souvent symétriques, des positions de caméra identiques pour chaque nouvelle séquence filmée dans les différentes pièces de la maison. Somptueusement mis en scène Last Days est une œuvre hypnotique bien loin des pauvres audaces du cinéma américain indépendant formaté. Gus Van Sant exprime sa croyance dans le cinéma comme forme d’art, comme expérience, comme recherche créatrice. Il faut féliciter la chaine de télévision payante HBO d’avoir financé Elephant et Last Days, entreprises peu onéreuses qui ouvrirent des perspectives inédites de liberté et d’invention dans le cinéma américain contemporain, hélas vite refermées et demeurées marginales dans le paysage de la production indépendante aux Etats-Unis.

Last Days de Gus Van Sant

Last Days de Gus Van Sant

Last Days est un film labyrinthe qui dessine un espace à la fois organique et mental, comme le souligne la répétition aléatoire de certaines scènes vues sous un deuxième angle. Gus Van Sant est capable d’accueillir les improvisations, les aléas du tournage dans un cadre visuel et sonore minutieusement établi, un univers fermé

Il ne faut pas prendre Last Days pour un biopic, même romancé, de Kurt Cobain. Le film de Gus Van Sant s’intéresse aux derniers jours d’une rock star qui glisse dans l’aphasie et la confusion mentale avant son suicide. La dégaine de Blake (Michael Pitt, photo en tête de texte) et son comportement erratique rappellent le chanteur de Nirvana. Blake s’est retiré dans une vaste demeure à l’abandon au milieu d’une forêt. Il vit comme un reclus, entourée d’un petit groupe de courtisans, entre deux cures de désintoxication. Van Sant souligne le statut iconique de la rock star déchue, avec des allusions religieuses. Le film oscille entre deux espaces différents, la nature sauvage et la grande maison, dans lesquels Blake déambule comme un fantôme, déjà déconnecté du monde des vivants. Un titre majeur des années 2000, qu’il est bon de revisiter. Et où il est encore meilleur de se perdre.

Last Days sera également disponible en télévision de rattrapage sur ARTE+7.

 

 

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