ARTE diffuse Rencontres du troisième type (Close Encounters of the Third Kind, 1977), l’un des meilleurs films de Steven Spielberg, le dimanche 1er novembre à 20h45, dans sa troisième version « director’s cut » après celle sortie lors de sa première exploitation en salles puis « l’édition spéciale » qui comportait des plans supplémentaires montrant l’intérieur du vaisseau spatial à la fin, finalement supprimées par Spielberg. Il s’agit du premier film de science-fiction du jeune prodige qui choisit ici un angle réaliste et scientifique, sur le thème des rencontres extra-terrestres. Spielberg ne réalisera jamais de « space opera », préférant s’intéresser aux spéculations sur l’existence des extra-terrestres et leur visites, bellicistes ou pacifistes sur notre planète. La rencontre amène le thème de la communication, qui est central chez Spielberg. L’ufologue est un scientifique français, Lacombe (interprété par François Truffaut), qui parle très mal anglais tandis que c’est un petit garçon mutique qui sera « enlevé » par les extraterrestres. Un premier traitement de Paul Schrader, axé autour d’une approche paranoïaque du sujet nourrie par les thèses conspirationnistes en vogue dans le cinéma américain des années 70 fut vite écarté par Spielberg qui opte pour une vision angélique des extraterrestres, transformant son film en invitation à la paix universelle et à la communion entre différentes formes d’existences, sur la terre comme au ciel. Ce messianisme se retrouvera dans E.T. l’extraterrestre, avant que Spielberg, cinéaste à la maturité tardive, ne considère la science-fiction comme un médium capable de rendre compte de désastres passés (la shoah), contemporains (le terrorisme) ou à venir dans Minority Report et La Guerre des mondes. Rencontres du troisième type est remarquable pour son savant dosage des effets spéciaux et des séquences spectaculaires, même si l’on constate que la particularité du film est de tout montrer sous un angle spectaculaire, y compris les moments intimistes et familiaux, les conversations entre les personnages ou les longues scènes d’introduction. Ce sens inné du grand spectacle, Spielberg l’amplifie avec l’apport de ses directeurs de la photographie. Pas moins de cinq sont crédités au générique. Vilmos Zgismond signe l’image du film, mais des prises de vue additionnelles, aux Etats-Unis et en Inde, furent confiées à John A. Alonzo, William A. Fraker, László Kovács et Douglas Slocombe, tous des maîtres dans leur domaine. La splendeur des images renvoie à une esthétique à la croisée des chemins, entre celle du Nouvel Hollywood dont Vilmos Zgismond, maître de l’écran large, fut l’un des principaux contributeurs artistiques, et celle du cinéma hollywoodien classique, adapte d’un Technicolor flamboyant et coloré. Spielberg s’imagine ici en digne successeur de Cecil B. DeMille, et ce n’est pas un hasard s’il choisit de montrer un extrait des Dix Commandements à la télévision. Spielberg se montre aussi habile dans la direction d’acteurs que dans les mouvements de foule, de la description de la vie quotidienne d’une famille jusqu’à l’apothéose son et lumière, très biblique, qui clôt le film. Rencontres du troisième type est également étonnant en raison de l’immaturité de son personnage principal (interprété par Richard Dreyfuss, véritable double cinématographique de Spielberg), homme enfant qui préfère abandonner sa famille pour accomplir son envie d’exploration des étoiles, provoquant par son comportement erratique (la construction d’une montagne dans une assiette de purée, puis à plus grand échelle en terre au milieu du living room, la fuite avec une autre femme pour rencontrer les extraterrestres) la stupeur et l’inquiétude de ses enfants et de son épouse – particulièrement maltraitée par le scénario. Cela en fait sans doute le premier film vraiment personnel de Spielberg, dans lequel il assume son refus d’assumer des responsabilités ou des préoccupations d’adulte et son désir de continuer à rêver comme un enfant, grâce au cinéma assimilé à un gigantesque train électrique.
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