Bach Films sort en DVD à la vente un des titres les plus célèbres, sinon les plus infâmes, du cinéma d’exploitation européen. Et il n’est ni italien, ni espagnol, ni anglais mais suédois, son réalisateur ayant même participé aux tournages de deux chefs-d’œuvre de Ingmar Bergman Persona (comme assistant réalisateur) et L’Heure du loup (comme chef d’équipe) avant de s’orienter vers une carrière beaucoup moins respectable – et beaucoup plus courte – que le maître suédois. Thriller (Thriller – en grym film, 1973) alias Crime à froid en France et A Cruel Picture ou They Call Her One Eye aux Etats-Unis répond indiscutablement à l’appellation contrôlée « Rape and Revenge », sous-catégorie du film d’autodéfense apparu dans les années 70 (Un justicier dans la ville) dans lequel des femmes victimes de violences sexuelles se transforment en anges exterminateurs et se vengent de leurs bourreaux, et des hommes en général. Ces films sont typiques du cinéma d’exploitation des années 70 : malgré leur orientation, ils s’adressent principalement à un public masculin amateur de sensations fortes, de violence et de sexe et noient dans leur outrance et leur complaisance toute possibilité de récupération féministe. Dans le genre, on retiendra bien sûr L’Ange de la vengeance, le chef-d’œuvre de Abel Ferrara (film qui échappe au moindre soupçon de misogynie et de pornographie malgré sa violence), et dans un registre plus crapoteux, La bête tue de sang-froid de Aldo Lado (directement influencé par La Dernière Maison sur la gauche de Wes Craven qui lança cette « mode », lui-même inspiré de… La Source de Ingmar Bergman), I Spit on your Grave de Meir Zarchi et donc ce Thriller objet d’un culte malsain un peu partout dans le monde.
Bo Arne Vibenius l’a produit, écrit et réalisé en 1973 sous le pseudonyme de Alex Fridolinski, avec dans le rôle principal une starlette du porno soft européen, Christina Lindberg, également apparue la même année dans deux productions érotiques japonaises. Il s’agit d’un « shocker » à tout petit budget, qui se distingue par son ultra violence, son amateurisme et des scènes de sexe plutôt éprouvantes. Le film procède par accumulation sadienne de malheurs et de sévices qui s’abattent dès l’enfance sur une frêle jeune femme au visage angélique et à la poitrine généreuse, victime perpétuelle de mauvaises rencontres et des instincts pervers de la gent masculine.
Frigga/Madeleine (Christina Lindberg), a été agressée sexuellement pendant son enfance, ce qui l’a rendue muette. Plus tard, elle accepte d’être prise en voiture par Tony (Heinz Hopf), qui fait d’elle une accro à l’héroïne et la prostitue en devenant son souteneur. Pour cacher le fait qu’elle a été kidnappée, il écrit des lettres pleines de hargne aux parents de la jeune femme, lesquels en viennent à se suicider. Alors qu’elle est éborgnée pour avoir résisté à un client, Frigga commence à s’octroyer les moyens de sa vengeance en s’entraînant dans la forêt au maniement des armes.
Il existe plusieurs versions de ce film « pulp » et cradingue, plus ou moins explicites, dont une avec des inserts « hardcore » ajoutés par le réalisateur en personne – celle proposée par Bach. Le film a été totalement interdit en Suède et en Finlande, pays pourtant réputés pour leur laxisme en matière de censure. En France et dans d’autres pays il participa aux grandes heures des rayons pour adultes des vidéoclubs.
La fameuse scène au cours de laquelle Christina Lindberg a l’œil crevé par un de ses clients alimenta les rumeurs les plus folles, notamment sur l’utilisation d’un cadavre pour le gros plan de l’énucléation. Pour cinéphiles curieux et avertis, amateurs de cingleries psychotroniques et aux estomacs bien accrochés, pour ne pas dire plus.
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