C’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris la disparition de Laura Antonelli, survenue le 22 juin à l’âge de 73 ans, dans la banlieue de Rome. Avec son visage d’ange et son corps de madone, Laura Antonelli aura personnifié en compagnie de Stefania Sandrelli, Claudia Cardinale, Ornella Muti et Edwige Fenech les fantasmes sexuels du mâle italien (et par extension du monde entier), incarnation de la sensualité voluptueuse et rayonnante des beautés latines. Laura Antonelli compte parmi les actrices les plus populaires du cinéma italien des années 70, grâce à de nombreux succès dans le registre de la comédie légère et une facilité déconcertante à se déshabiller devant la caméra, pour dévoiler un corps de rêve. Une indolence naturelle la prédisposera à l’érotisme fin de siècle et aux atmosphères décadentes. Dès les débuts de sa carrière on la remarque très sexy en nuisette dans la fantaisie burlesque de Mario Bava L’Espion qui venait du surgelé en 1966. En 1969 année érotique elle prête sa beauté à une entreprise pseudo intellectuelle d’adaptation à l’écran d’un classique de la littérature érotique, La Vénus à la fourrure de Massimo Dallamano, modernisation extravagante de Sacher-Masoch, où elle interprète la dominatrice Wanda. Son inoubliable nudité parvient à sauver le film.
Sa carrière est riche, au sein de la production commerciale, en titres oubliables du cinéma bis et en bons films d’auteurs populaires. Dino Risi (Sexe fou), Luigi Comencini (Mon Dieu, comment suis-je tombé si bas ?) et Mauro Bolognini (La Vénitienne) font appel à elle lorsqu’il s’agit de pimenter leurs comédies satiriques et sociales d’un peu d’érotisme. Guère avare de ses charmes, Laura Antonelli a également révélé ses talents d’actrice dramatique dans l’ultime et génial film de Luchino Visconti L’Innocent, aux côtés d’un autre transfuge de la comédie bouffonne, Giancarlo Giannini. Visconti la rend plus belle qu’elle n’a jamais été, littéralement sublime de féminité dans une scène d’étreinte avec son sinistre époux interprété par Giannini.
Laura Antonelli a affiché une certaine fidélité à trois petits maîtres de l’érotisme transalpin, Pasquale Festa Campanile, Salvatore Samperi et Giuseppe Patroni Griffi qui la firent jouer dans quelques-uns de ses plus grands succès personnels.
Ma femme est un violon (Il merlo maschio, 1971) est une comédie érotique très réussie stigmatisant le machisme à travers l’histoire d’un violoncelliste frustré (Lando Buzzanca) qui utilise la beauté de sa femme (Laura Antonelli) pour se faire reconnaître, allant jusqu’à l’exhiber nue en public. Malicia (Malizia, 1973) est le film le plus célèbre de Salvatore Samperi, qui après son premier long métrage Merci ma tante (1968), huis-clos incisif dans la lignée des Poings dans les poches de Bellocchio, en plus racoleur, a trouvé sa voie dans la comédie de mœurs et l’érotisme soft, avec presque toujours en toile de fond une satire de la famille bourgeoise. Le film a définitivement imposé Laura Antonelli comme le symbole sexuel de toute une génération. Il a aussi instauré les canons esthétiques d’un sous-genre qui connaîtra une longévité et une popularité exceptionnelles, la sexy comédie rétro. Malicia éveille la nostalgie d’une époque où l’érotisme et la jouissance étaient encore affaires de transgression (l’importance de la religion, du mariage et de la virginité dans la société italienne jusque dans les années 50, surtout en Sicile et dans le Sud du pays) tout en satisfaisant les amateurs de lingerie fine et de porte-jarretelles. La direction artistique de Malicia, notamment la belle photographie de Vittorio Storaro, rapproche davantage le film d’une version opportuniste des œuvres de Bertolucci et Brass que des sexy comédies « basses » signées Nando Cicero ou Mariano Laurenti. On y trouve cependant des personnages et des ingrédients qui feront leurs preuves dans une multitude de comédies « made in Italy » sur l’obsession sexuelle : collégiens frappés de priapisme et voyeurs, veufs concupiscents, jeunes domestiques candides et peu farouches, exhibitionnisme et fétichisme. Le triomphe du film engendra de nombreux plagiats ou imitations, parfois par Samperi lui-même, jusqu’à la (beaucoup trop) tardive et désastreuse suite-remake Malizia 2000 de Samperi en 1992 dans laquelle Laura Antonelli fera son ultime apparition à l’écran. Désastreuse à bien des égards puisque c’est à cause de ce film que la belle Laura Antonelli, sommée par des producteurs d’avoir recours à des injections de collagène auquel elle est allergique, est gravement , ce qui l’oblige à s’éloigner définitivement des plateaux de cinéma, vivant recluse et solitaire dans de tristes conditions jusqu’à ses derniers jours, cherchant le réconfort dans la religion. Tragique destin pour une actrice qui fut avant tout un objet de désir malmenée par l’industrie du cinéma italien, qui l’entrainera dans sa propre chute de manière cauchemardesque.
Mieux vaut se souvenir de la voluptueuse Laura Antonelli dans des films aux titres riches en promesses de Giuseppe Patroni Griffi (Divine Créature, photo en tête de texte) ou Marco Vicario (La maîtresse légitime), soit l’une des plus belle femme jamais apparue sur un écran.
Au début des années 70 Laura Antonelli avait joué dans trois films français : Sans mobile apparent de Philippe Labro avec Jean-Louis Trintignant et dans Les Mariés de l’an II de Jean-Paul Rappeneau et l’étrange Docteur Popaul de Claude Chabrol avec Jean-Paul Belmondo qui partagea sa vie entre 1972 et 1980.
Laisser un commentaire