Olivier Père

L’Eclipse de Michelangelo Antonioni

A l’occasion de la grande rétrospective et exposition Michelangelo Antonioni à la Cinémathèque française ARTE diffuse lundi 13 avril à 22h30 l’un des chefs-d’œuvre du cinéaste italien, L’Eclipse (L’eclisse, 1962), qui ressort également en salles mercredi 15 avril distribué par Tamasa, et à la vente en DVD et Blu-ray chez Studiocanal dans une version HD restaurée et remasterisée.

Dernier film en noir en blanc d’Antonioni, L’Eclipse clôt après L’avventura et La Nuit une trilogie sur le couple, ou plutôt son impossibilité. La crise que constate L’Eclipse dépasse celle de la conjugalité ou des relations amoureuses : elle concerne la société occidentale engouffrée dans un matérialisme stérile.

L’Eclipse adopte le point de vue de Vittoria (Monica Vitti), une jeune femme qui cherche un sens à sa vie au-delà des apparences de bonheur et de confort, pose un regard poétique et moral sur les êtres et les choses qui l’entourent, à l’instar du cinéaste qui l’aime et qui la filme.

L’Eclipse est d’abord un film dans lequel Antonioni sublime la beauté et les talents d’actrice de son égérie Monica Vitti, sans oublier Alain Delon parfait en courtier aussi séduisant que cynique, dont la conception de l’existence se situe à l’opposé des questionnements philosophiques de la jeune femme.

Cette disparition si spectaculaire et si souvent commentée de la présence humaine à la fin de L’Eclipse, Antonioni l’anticipe dès la première séquence du film – une rupture presque muette dans un appartement, au petit matin, dans la périphérie anonyme de Rome, et tout au long de sa mise en scène. Antonioni esquisse l’idée d’un cinéma non figuratif, qui se rapprocherait de l’architecture et de l’art abstrait, en vidant de nombreux plans ou amorces de plan du corps de ses acteurs, ou en les filmant de dos. On ne compte plus les plans dans lesquels la chevelure blonde de Monica Vitti occupe le premier plan de l’image, accentuant à la fois la subjectivité du film et la dimension plastique de ce dernier, où le cadre, les lignes et les volumes créent un cinéma ouvertement pictural.

 

Cette prédominance des objets et des surfaces de pierre ou de verre dans L’Eclipse – grand film sur l’urbanisme – exprime la glaciation des sentiments, la froideur et l’inhumanité du monde moderne dominé par l’argent. Les scènes à la Bourse de Rome observent une micro société régie par des règles mystérieuses, avec des individus hystérisés par les flux monétaires, jouant – et perdant – des millions en quelques secondes, une perte d’énergie comme une perte de sens. Rien n’a vraiment changé depuis 1962 et il est même étonnant de voir comment Antonioni, homme et artiste de son temps, a régulièrement prophétisé les métamorphoses de la civilisation occidentale, avec le triomphe du consumérisme et de la déréalisation, ce sentiment d’étrangeté par rapport au monde au cœur de ses films.

 

 

 

 

 

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