Olivier Père

Le Havre de Aki Kaurismäki

Dans le cadre de son Festival du Cinéma ARTE diffuse le lundi 17 novembre à 20h50 Le Havre de Aki Kaurismäki, dernier film en date du cinéaste finlandais, et coproduction de la chaîne franco-allemande qui remporta un grand succès lors de sa présentation à Cannes et de sa sortie en salles en 2011.

Marcel Marx (André Wilms), ex écrivain, s’est exilé volontairement dans la ville portuaire du Havre où son métier de cireur de chaussures lui permet de vivre modestement. Il a fait le deuil de son ambition littéraire et mène une vie satisfaisante dans le triangle constitué par le bistrot du coin, son travail et sa femme adorée Arletty (Kati Outinen), quand le destin met brusquement sur son chemin un enfant immigré originaire d’Afrique noire, poursuivi par les services de l’immigration.
Sous sa modestie de façade et son autodérision, Aki Kaurismäki est un styliste capable de mettre en scène avec une formidable économie de moyens, en noir et blanc ou en couleur, des films à l’impressionnante beauté plastique. Le soin maniaque apporté au cadre et à la lumière, la rigueur de chaque plan, la précision et la subtilité des dialogues contredisent la désinvolture apparente du cinéaste et sa réputation de farceur. Kaurismäki vénère le cinéma muet, Chaplin, Ozu, Bresson, Dreyer, De Sica, Becker, Melville. Son cinéma est devenu le chantre des asociaux, des prolétaires, des habitants des faubourgs, avec des films poétiques qui allient lutte des classes, culture populaire, humour noir, scepticisme inquiet à l’encontre du monde moderne et un goût prononcé pour le mélodrame révolutionnaire. Le Havre est l’un de ses plus beaux films, l’un de ses plus émouvants. Kaurismäki tourne pour la seconde fois en France et en français après La Vie de Bohême (le personnage de Marcel Marx, que l’on retrouve dans Le Havre, toujours interprété par le merveilleux André Wilms, en était déjà le héros.) Les dialogues, ciselés et élégants, sont au diapason d’un interprétation magnifique. Le Havre, ville hors du temps qui a gardé une patine rétro authentique, lui sied à merveille. Kaurismäki visiblement aime les années 50, comme le rocker local Little Bob qui fait une apparition inoubliable dans le film, le temps d’un bloc frontal et musical, extrait d’un de ses concerts. Kaurismäki retrouve ses vieux complices Kati Outinen, André Wilms et Jean-Pierre Léaud, et invite à les rejoindre Jean-Pierre Darroussin, excellent en policier solitaire et melvillien. Le Havre parle d’immigration, de racisme, de solidarité et de résistance de manière presque intemporelle, mais le film trouve un écho dans l’actualité la plus brûlante et la société dans laquelle nous vivons. Comme Chaplin (le film est une référence directe au Kid), Kaurismäki touche à l’universel et nous bouleverse grâce à une histoire simple mais essentielle, et réussit un petit chef-d’œuvre humaniste.

Le Havre est disponible en Replay sur ARTE+7, comme tous les films du Festival du Cinéma d’ARTE.

Catégories : Coproductions · Sur ARTE

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