ARTE Editions présente à la vente à partir du 4 novembre un luxueux et volumineux coffret regroupant l’intégralité du travail cinématographique du photographe et artiste complet William Klein, soit près de soixante ans de création tout azimut pour cet Américain né à New York en 1928 et exilé volontaire à Paris dès l’après-guerre. Dans les années 50 Klein est photographe de mode pour Vogue mais il développe également un style et une approche de la photo très novateurs et percutants, notamment avec son fameux « journal photographique » New York édité au Seuil en 1956. C’est le début d’une longue carrière de touche-à-tout de talent, qui va regarder son époque, observer les phénomènes politiques culturels et sociaux à travers le prisme de la satire ou du documentaire, esprit perpétuellement curieux capable de s’intéresser au sport, à la mode, à la musique, à l’Afrique, aux médias et à leurs icônes, scrutateur mais jamais illustrateur des mythologies modernes.
Dès son premier long métrage Qui êtes-vous, Polly Maggoo? (1966, photo en tête de texte) William Klein s’inspire de son expérience de photographe de mode et de réalisateur à l’émission « Cinq Colonnes à la une » pour mettre en scène le portrait par une équipe de télévision d’un jeune mannequin installé à Paris. Satire des vanités d’un milieu et d’une profession pas encore ultra médiatisés, Qui êtes-vous, Polly Maggoo? est aussi prophétique dans sa forme que son propos, inventant le « documenteur » ou « mockumentary » et exportant les techniques du « free cinema » anglais et américain dans la France de l’ORTF, avec une pléiade de nouveaux comédiens de la Rive Gauche. Film plein d’esprit et de liberté, Qui êtes-vous, Polly Maggoo? s’inscrit dans une mouvance du cinéma français critique et poétique comprenant des auteurs tels que Chris Marker, Louis Malle ou Agnès Varda.
William Klein continuera dans cette veine pop avec Mister Freedom (1968) satire colorée de l’impérialisme américain qui s’inspire beaucoup de l’esthétique des comics pour tourner en dérision la guerre froide. Mister Freedom, un super héros américain particulièrement ridicule, vient sauver la France de Red China Man (une structure gonflable géante) et de Moujik Man (Philippe Noiret) et croise sur son chemin une galerie d’espions et de personnages grotesques dans une ambiance de happening. Tout le monde est déguisé comme dans un carnaval et a l’air de bien s’amuser dans ce pastiche bricolé entre Alphaville et Docteur Folamour revu et corrigé par l’esprit du journal « Hara-Kiri ». Débordant de trouvailles visuelles Mister Freedom demeure encore l’une des rares tentatives convaincantes de bande dessinée (pour adultes) cinématographique, dans laquelle on retrouve une partie des acteurs de Qui êtes-vous, Polly Maggoo? dans des rôles extravagants (mention spéciale à Delphine Seyrig en agent double très sexy).
William Klein n’obtiendra pas les capitaux suffisants pour mener à bien un ambitieux projet de fiction sociologique sur l’urbanisme moderne et le film qu’il parviendra néanmoins à tourner, Le Couple témoin (1977) est inabouti même s’il préfigure l’intrusion de la téléréalité dans les foyers des Français. Tandis que Grands Soirs et petits matins (1978) reste le grand film documentaire (le seul ?) consacré à Mai 68.
C’est en effet dans le documentaire que le talent de cinéaste de William Klein s’épanouit avec le plus de constance et de longévité. Klein réalise entre les années 60 et 90 de nombreux documentaires de durées, formats et sujets extrêmement variés. Certains sont marqués par son engagement politique comme son segment du film collectif Loin du Vietnam et surtout Muhammad Ali, the Greatest (1969), sans doute le chef-d’œuvre de William Klein qui suit le légendaire boxeur sur plusieurs années et se concentre sur deux moments importants de sa carrière : en 1964, Cassius Clay devient champion du monde des poids lourds. Une date dans l’histoire du sport, et surtout une date dans l’histoire de la prise de conscience des Noirs aux Etats-Unis. Dix ans après, le 30 octobre à Kinshasa, Zaïre, Cassius Clay converti à l’islam et devenu Muhammad Ali, veut reconquérir son titre dont il a été déchu pour avoir refusé de faire la guerre au Vietnam. A trente-deux ans il ne peut plus « voler comme un papillon et piquer comme une guêpe ». Pourtant, il va se mesurer à l’imbattable démolisseur, George Foreman. William Klein est fasciné par le personnage de Muhammad Ali mais il ne le filme presque pas sur le ring, préférant rester dans les coulisses et adopter une approche politique de la trajectoire exceptionnelle du boxeur.
Lorsque Klein s’intéresse à nouveau au sport et à ses héros, dans The French (qui enregistre en plusieurs chapitres absolument tout ce qui se passe pendant le tournoi de Roland-Garros en 1981) c’est aussi pour montrer l’importance des sponsors et du business autour des champions de tennis, super athlètes et nouveaux dieux du stade soumis à une terrible pression physique, mais aussi médiatique et économique.
Le coffret propose douze films parmi lesquels Broadway by Light, premier court métrage inédit de William Klein, très bel essai documentaire tenté par l’abstraction. La plupart des films sont accompagnés de commentaires exclusifs du réalisateur qui revient sur leur genèse et leur fabrication. Le coffret inclut également un livre de 120 pages richement illustré avec un texte de Claire Clouzot.
Les films sont aussi disponibles en VOD sur
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