Olivier Père

Deux Jours, une nuit de Jean-Pierre et Luc Dardenne

Depuis La Promesse Jean-Pierre et Luc Dardenne placent le corps de leurs personnages au centre de leur dispositif cinématographique. A chaque fois il s’agit d’un homme ou d’une femme que la caméra ne quitte pas et accompagne dans une épreuve aussi physique que morale, dans un environnement social hostile où la solidarité ouvrière a disparu et où règne l’individualisme, la loi du plus fort. Le thème de cette solidarité entre prolétaires, finie ou résiduelle, rendue problématique par la crise économique et le chômage, sert justement de point de départ à leur nouveau film présenté au Festival de Cannes en compétition officielle et actuellement sur les écrans : Deux Jours, une nuit. Sandra, aidée par son mari, n’a qu’un week-end pour aller voir ses collègues et les convaincre de renoncer à leur prime pour qu’elle puisse garder son travail. Nous accompagnons Sandra, désespérée à l’idée de perdre son emploi, dans sa démarche systématique qui consiste à retrouver un par un ses collègues et compter les voix qui pourraient lui permettre de rester dans l’équipe de cette petite usine. La mécanique implacable d’un tel scénario, génératrice de suspens, est tempérée par l’adage renoirien selon lequel « tout le monde a ses raisons » et le fait que ni Sandra, ni les réalisateurs ne condamnent ceux qui ne peuvent ou refusent de se priver d’une prime providentielle. Cela fait deux films que les Dardenne intègrent à leur cinéma sans compromis ni artifice une actrice populaire, après avoir été des découvreurs de talents et révélé des visages inconnus du grand public ou débutants absolus (Jérémie Renier, Olivier Gourmet, Emilie Dequenne, Déborah François…) Après Cécile de France dans Le Gamin au vélo c’est au tour de Marion Cottillard de tourner sous la direction des Dardenne, dans le rôle central de Sandra, jeune femme fragile qui sort d’une lourde dépression et va réunir toutes ses forces et son courage pour aller oser demander le sacrifice de mille euros, dans une croisade à l’issue incertaine. Nous avions déjà beaucoup aimé Marion Cotillard l’année dernière dans The Immigrant de James Gray, elle confirme avec Deux Jours, une nuit qu’elle est une actrice remarquable. Evidemment cela s’affirme avec plus d’évidence quand elle choisit de travailler avec les meilleurs auteurs contemporains, mais cela fait longtemps que son beau visage triste nous séduisait, même dans des films indignes de son talent quand il nous arrivait par hasard de les voir. Une fois n’est pas coutume les frères Dardenne sont repartis bredouilles de Cannes et c’est dommage, car Marion Cotillard méritait un prix pour son interprétation dans Deux Jours, une nuit, où elle est parfaitement crédible, juste et émouvante, sans le moindre pathos.

 

Il reste encore quelques jours pour profiter de la rétrospective des films de Jean-Pierre et Luc Dardenne à la Cinémathèque française qui se termine le 12 juin. La leçon de cinéma qu’ils ont donnée à cette occasion est visible sur le site d’ARTE Cinéma (il suffit de cliquer sur l’icône en haut à droite de cette page.)

 

 

 

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