Olivier Père

Venin de Piers Haggard

Le facétieux Jean-François Rauger, toujours pas rassasié de cinéma bis, propose pour un double programme « serpents » ce soir à la Cinémathèque française un film qu’il est sans doute le seul au monde à aimer (Mamba / Fair Game de Mario Orfini, à 22h) et surtout à 20h le très recommandable Venin (Venom, 1981) de Piers Haggard, dans lequel il est également question d’un mamba noir, soit le plus venimeux et agressif des reptiles. 35mm, version française, affiche de Landi, distribution Europe 1 – UGC : prêts pour un voyage dans le temps, de retour au début des années 80.

Affiche française de Venin par Landi, toute une époque

À Londres, un petit garçon héritier d’une riche famille américaine se retrouve seul avec son grand-père dans la demeure familiale en l’absence de ses parents. Louise, la gouvernante, et Dave, chauffeur de la maison, décident d’en profiter pour enlever l’enfant. Mais celui-ci, passionné par les animaux, vient de ramener d’un magasin spécialisé un mamba noir, serpent très dangereux qu’on lui a vendu par erreur. Ce thriller qu’on qualifierait aujourd’hui de « home invasion » emprunte à la fois aux codes du film d’horreur et à ceux du polar « hard boiled » tel qu’il s’en produisait en Angleterre dans les années 70. Le cocktail explosif gangsters sans pitié plus bestiole mortelle enfermés avec un enfant asthmatique et un vieillard malade dans une maison encerclée par la police génère un suspens efficace. L’esthétique de Venin – usage fréquent des objectifs à courte focale, vision subjective déformée du mamba en mode attaque – trahit l’influence des films de genre britanniques de la décennie précédente, ce qui n’est pas surprenant puisque Pier Haggard avait réalisé en 1971 un petit classique de l’épouvante british, produit par la compagnie Trigon, La Nuit des maléfices, sa seule réussite notable avec Venin dont il reprit la réalisation en cours de route, sans avoir participé à sa préparation – le malchanceux Tobe Hooper fut en effet débarqué par la production quelques jours après le début du tournage, pour d’obscures raison (dépression nerveuse ?) il faut dire que les coulisses du film furent sans doute aussi éprouvantes – sinon davantage – que les péripéties relatées à l’écran. La réunion en huis clos d’acteurs aussi caractériels que Klaus Kinski, Oliver Reed (qui se haïrent cordialement, normal), Sarah Miles, Nicol Williamson, plus le vétéran Sterling Hayden, fatigué dans son dernier rôle au cinéma provoquera des tensions et accrochages bien plus violents et dangereux que tous les serpents d’Afrique. Le couple d’escrocs prolétaires cockney formé par Oliver Reed et Susan George, parfait en domestiques retors, exprime une forte opposition de classes en face de la famille américaine bourgeoise qu’ils ont infiltrée et qu’ils méprisent, même si cette dimension politique n’est guère exploitée par le film qui s’oriente rapidement vers le suspens pur et dur. Le scénario est signé Robert Carrington, écrivain de cinéma essentiellement connu pour un autre huis clos paroxystique, Seule dans la nuit de Terence Young en 1967. Venin, série B de luxe, est produite par le new yorkais Martin Bregman, qui produisit une autre célèbre prise d’otages avec siège de la police (Un après-midi de chien de Sidney Lumet en 1975) et dont le film suivant immédiatement Venin réservera à son antihéros la même fin sanguinolente et dégringolante qu’au méchant terroriste international interprété par Klaus Kinski (photo en tête de texte) : Scarface de Brian De Palma. Drôle de coïncidence que nous ne serons sans doute plus les seuls à remarquer après la projection de ce soir à la Cinémathèque.

 

Oliver Reed se retient devant Klaus Kinski

Oliver Reed se retient devant Klaus Kinski

 

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Un commentaire

  1. Bertrand Marchal dit :

    Pas vu le film, mais je vois la photo. Pauvre réalisateur, il a dû souffrir!

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