Après… Et pour quelques dollars de plus le Cinéma de la plage projette ce soir en toute logique Le Bon, la Brute et le Truand (Il buono, il brutto, il cattivo, 1966), l’un des meilleurs western de Sergio Leone, désormais visible dans sa version italienne intégrale de trois heures. Le film avait subi à sa sortie une vingtaine de minutes de coupes en raison de sa durée. Les passages inédits, à l’exception du génial gag de la botte lors la traversée du désert, concernent essentiellement les scènes guerrières du récit.
Leone, fort du triomphe de ses deux premiers westerns, Pour une poignée de dollars et … Et pour quelques dollars de plus, obtient carte blanche pour clore de manière spectaculaire une trilogie pleine de violence et d’ironie. Il a l’intention de signer son adieu au genre et d’étoffer son œuvre d’éléments picaresques empruntés à la comédie italienne. Leone fait appel au célèbre duo de scénaristes Age et Scarpelli, et même si la collaboration se révèlera décevante, Le Bon, la Brute et le Truand doit beaucoup à La Grande Pagaille de Luigi Comencini, qui décrivait avec noirceur et drôlerie la déroute des troupes italiennes à l’annonce de l’armistice de 1943. L’homme sans nom (Clint Eastwood) était seul contre tous dans Pour une poignée de dollars, épaulé par Lee Van Cleef dans … Et pour quelques dollars de plus. Il s’appelle désormais Blondin et croise sur son chemin une brute froide, Sentenza, (de nouveau Lee Van Cleef) et un voleur mexicain, Tuco, formidablement interprété par Eli Wallach. Leone lance ses trois aventuriers qui rivalisent de cynisme et de cupidité dans une rocambolesque chasse au trésor. Ce jeu du chat et de la souris trouvera sa conclusion lors d’un duel à trois (un « triel » ?) dans l’arène d’un immense cimetière. Cette séquence opératique, magnifiée par la musique de Ennio Morricone, ne cesse d’impressionner à chaque nouvelle vision par sa gestion de l’espace et du temps.
Le Bon, la Brute et le Truand, œuvre transitoire dans la filmographie de Leone et à ce titre extrêmement riche, oscille en permanence entre deux pôles : un pôle comique, hérité de la Commedia dell’arte, introduit par les bouffonneries du truculent Tuco ; un pôle tragique, puisque les marionnettes de Leone s’agitent dans la tourmente de la guerre de Sécession. Les petites histoires scélérates et triviales du cinéaste rencontrent la grande Histoire. L’épisode montrant les troupes nordistes et sudistes se massacrer pour la conquête dérisoire d’un pont est empreint d’un pessimisme et d’une mélancolie qui ne cesseront dès lors de prendre de l’ampleur dans les œuvres à venir. Il constitue la première véritable intrusion d’une page refoulée de l’Histoire des États-Unis dans un film de Leone, habité par ses rêves d’Amérique et de cinéma mais aussi ses souvenirs du fascisme. Le cinéaste poursuivra cette relecture transversale de l’Histoire en montrant les dessous honteux de l’édification d’un pays (Il était une fois dans l’Ouest), les massacres de populations civiles de la Seconde Guerre mondiale transposées lors de la Révolution mexicaine (Il était une fois… la Révolution) ou la naissance des liens entre le gangstérisme et la politique (Il était une fois en Amérique).
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