Olivier Père

Lettre d’une inconnue et Le Plaisir de Max Ophuls

L’actualité cinéphilique permet de revoir actuellement deux chefs-d’œuvre de Max Ophuls : Lettre d’une inconnue au cinéma depuis le 19 février (réédité par Carlotta, en version restaurée, disponible en DVD et Blu-ray a partir du 20 mars chez le même éditeur) et Le Plaisir en DVD et Blu-ray dans une superbe édition proposée par Gaumont.

Deuxième film américain de Max Ophuls, produit à Hollywood par le studio Universal, Lettre d’une inconnue (Letter from an Unknown Woman, 1948) reste fidèle à la culture de la Mittel Europa chère au cinéaste puisqu’il s’agit d’une adaptation du roman de Stefan Sweig dans laquelle le cinéaste reconstitue avec son raffinement habituel la Vienne du début  XXème siècle, au son de Liszt, Mozart et Wagner. C’est sans doute l’un des plus beaux films jamais réalisés sur la passion amoureuse, à travers le bouleversant destin d’une femme secrètement amoureuse toute sa vie d’un homme brillant, séducteur et volage. Stefan Brand un célèbre pianiste vieillissant (Louis Jourdan) que l’on vient de provoquer en duel sans qu’il en comprenne la raison reçoit une lettre d’une femme inconnue de lui, Lisa Berndle (Joan Fontaine.) Celle-ci lui retrace l’amour qu’elle a éprouvé secrètement pour lui depuis son enfance. Elle évoque les trois rencontres à différents âges de sa vie et les rares étreintes que son amant voulut bien lui accorder, inoubliables pour elle, tandis qu’il n’en a gardé aucun souvenir. Jusqu’à la lecture de cette lettre qui lui fait prendre conscience de sa cruauté et de son égoïsme, ouvrant un récit virtuose constitué d’un long flashback.

Ophuls réalisera d’autres films aux Etats-Unis, mais aucun n’atteindra la perfection de Lettre d’une inconnue qui figure sans conteste parmi les plus beaux films de l’histoire du cinéma. Le film d’Ophuls nous offre aussi le bonheur de revoir la magnifique Joan Fontaine, disparue en décembre dernier et magnifique dans ce qui restera sa meilleure interprétation.

 

Revenu en France, Ophuls va enchaîner les chefs-d’œuvre : La Ronde (1950), Le Plaisir (1952), Madame de… (1953), tous les trois avec Danielle Darrieux, puis Lola Montes (1955), son dernier film. Dans Le Plaisir (1952) Max Ophuls adapte trois nouvelles de Guy de Maupassant, prétextes à une exploration des thèmes de l’amour, du plaisir mais aussi de la mort et du désespoir, car « le bonheur n’est pas gai » (conclusion de ce film génial) : dans Le Masque un médecin est témoin du malaise d’un danseur. Ce dernier est en fait un vieillard à la poursuite de sa jeunesse perdue qui dissimule son âge sous un masque et écume les bals publics. Dans un registre plus joyeux et sensuel La Maison Tellier conte l’expédition des pensionnaires d’un bordel de province qui accompagnent leur patronne en Normandie pour assister à la communion de leur nièce. Le Modèle renoue avec le pessimisme tragique et morbide de l’auteur : un peintre séduit puis délaisse un de ses modèles. La jeune femme se jette par la fenêtre et reste paralysée. Le peintre décide de l’épouser, par amour ou pris de remords. Le Plaisir constitue l’un des sommets de l’œuvre de Max Ophuls, par la perfection de son style baroque unique dans le cinéma français et la qualité homogène de l’interprétation qui réunit, comme dans La Ronde deux ans plus tôt la plupart des meilleurs acteurs de l’époque, Danielle Darrieux et Jean Gabin en tête.

 

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