Olivier Père

Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas? de Luigi Comencini

Depuis le 31 juillet on peut revoir en version restaurée Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas? (Mio Dio come sono caduta in basso !, 1975) sur les écrans français, distribué par Les Acacias. Le film de Luigi Comencini s’inscrit dans le filon ô combien fertile et emprunté par beaucoup de réalisateurs de la comédie italienne « légère ». Cette mode du film sexy, plus ou moins vulgaire et amusant, fut sans doute lancée au début des années 70 par Ma femme est un violon (Pasquale Festa Campanile), Malizia (Salvatore Samperi) et Sexe fou (Dino Risi) tous trois déjà interprétés par la belle Laura Antonelli, l’une des égéries incontestables de ce sous-genre transalpin.

Evidemment le film de Comencini, malgré son titre, constitue le haut du panier d’une production racoleuse et opportuniste, mais dont les éléments satiriques sonnent souvent juste, sans parler des réjouissants numéros d’acteurs qu’elles occasionnent. La particularité du film de Comencini est d’être une comédie à costumes, située à la veille de la Première Guerre mondiale, et qui se moque du « dannunzianisme » (d’après le célèbre écrivain D’Annunzio), courant littéraire très à la mode à l’époque en Italie et qui exaltait l’amour sensuel sous ses formes les plus sophistiquées et décadentes, avec une exagération assez ridicule. Le film de Comencini peut d’ailleurs se voir comme le pendant humoristique du drame L’Innocent de Visconti, dernier chef-d’œuvre du cinéaste réalisé un an plus tard et adaptation d’un roman de D’Annunzio (les films partagent la même actrice, Laura Antonelli : ce sont ses deux meilleurs rôles.)

Laura Antonelli. Sans commentaire.

Laura Antonelli. Sans commentaire.

Sicile, début du XXème siècle. Eugenia Maqueda (Laura Antonelli) et Raimondo Corrao, marquis de Maqueda (le cabotin Alberto Lionello) découvrent lors de leur nuit de noces qu’ils sont frère et sœur. Il leur est donc impossible de consommer le mariage. Pour des questions d’apparences à sauvegarder et aussi d’héritage et ils décident de ne rien dire à personne et de vivre dans la chasteté absolue comme un frère et une sœur. Mais les besoins de la belle Eugenia, éveillés par les confidences d’une vieille gouvernante la veille de ses noces où la jeune femme, vierge et élevée dans un couvent, ne savait absolument rien des choses de l’amour, sont de plus en plus pressants…

Le film pastiche le style et les histoires des feuilletons à l’eau de rose de l’époque, ancêtres des romans-photos qui seront eux aussi tournés en dérision par la comédie italienne. Mais il procède à une inversion amusante qui structure le récit. D’habitude dans les mélodrames l’héroïne doit lutter contre les assauts répétés d’hommes mal intentionnés pour protéger à tout prix sa vertu ; ici elle se désespère de ne pouvoir assouvir son désir sexuel, le passage à l’acte avec des amants étant sans cesse retardé par la malchance ou des retournements de situations imprévues (comme lorsque le séducteur français, sur le point de la trousser, renonce en apprenant qu’elle est vierge.)

Quand le couple décide enfin de faire l’amour en cédant à la tentation décadentiste de l’inceste, un ultime coup de théâtre viendra une nouvelle fois les en empêcher !

La direction artistique est particulièrement soignée et Comencini s’amuse à reproduire les photographies du début du XXème siècle ou le cinéma muet dans certaines séquences. Le cinéaste opte pour une caractérisation très stylisée des personnages, unidimensionnels et volontairement sans profondeur, refusant la psychologie et invitant les acteurs à jouer comme des pantins ou des marionnettes. Le personnage du mari, patriote fanfaron, aristocrate prétentieux et ridicule, annonce l’arrivée du fascisme. Un film à redécouvrir dans la riche carrière de Luigi Comencini.

Laura Antonelli

Laura Antonelli

 

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