Olivier Père

Les Inconnus dans la ville de Richard Fleischer

Carlotta propose à partir du 3 avril le DVD et le Blu-ray des Inconnus dans la ville (Violent Saturday, 1955) de Richard Fleischer, dans une édition de tout beauté qui propose en bonus des interventions enthousiastes, érudites et passionnantes des cinéastes cinéphiles William Friedkin et Nicolas Saada sur le film. Friedkin déclarant son admiration pour Fleischer, c’est quelque chose de très émouvant et même inespéré car le cinéaste des Inconnus dans la ville n’a pas toujours été considéré à sa juste valeur par la critique, ses pairs et ses cadets, catégorie dont fait partie le réalisateur de French Connection. Fleischer n’était pas seulement un excellent technicien qui a – presque – toujours porté vers les cimes les films de studios qui lui furent confiés durant sa longue carrière. C’était aussi un grand cinéaste capable de signer des œuvres maîtresses du cinéma américain et de transcender certaines commandes par la beauté et l’intelligence de sa mis en scène.

C’est le cas des Inconnus dans la ville, production Zanuck un brin moralisatrice qui devient grâce à Fleischer un film noir atypique. On a l’habitude de classer Les Inconnus dans la villeparmi les meilleurs films de casse jamais réalisés. C’est exact et pourtant la scène du braquage de la banque n’arrive que tard dans le récit et n’occupe qu’une part très brève du métrage. Le film prend son temps pour présenter plusieurs habitants d’une petite ville de province, englués dans leurs problèmes conjugaux, psychologiques, financiers ou familiaux : un couple infidèle, une vieille fille ruinée, un patron obsédé sexuel… et surtout un ingénieur des mines qui peine à gagner l’admiration de son fils, déçu que son géniteur n’ait pas fait la guerre (de Corée) comme les pères de ses copains. Cet homme (Victor Mature) va devenir le héros malgré lui du film, pris au cœur d’une aventure morale qui pose le problème de l’usage de la violence et de ses conséquences dans la société, thématique souvent abordée par Fleischer.

Les Inconnus dans la ville

Les Inconnus dans la ville

La poignée de gangsters qui débarque dans la ville pour préparer l’attaque de la banque sert donc de déclencheur qui va révéler les forces et les faiblesses d’une galerie de personnages. C’est sans doute une coïncidence mais la narration des Inconnus dans la ville et la description de névroses provinciales évoque le chef-d’œuvre de Vincente Minnelli Comme un torrent réalisé en 1958 d’après un roman de James Jones. Croisement entre la chronique, le mélodrame et le polar « hard boiled », Les Inconnus dans la ville est donc un film noir pas comme les autres, loin des archétypes du genre, ne serait-ce que par son utilisation magistrale de la couleur et du Cinémascope, avec un talent pour la composition à l’intérieur du cadre qui est la marque du talent de Fleischer, qui employa souvent ce format avec beaucoup de réussite, que ce soit dans le domaine de l’intimisme ou du grand spectacle. Très bonne interprétation de Mature, acteur sous-estimé, et de Lee Marvin parfait comme toujours en brute sadique. Ernest Borgnine surprenant en fermier amish ; le dénouement violent dans la ferme est encore plus mémorable que le casse. Nous reviendrons sur la riche palette de Fleischer avec un autre beau film – encore plus important que Les Inconnus dans la ville – qui ressort bientôt en Blu-ray chez le même éditeur, L’Etrangleur de Boston.

Affiche américaine des Inconnus dans la ville

Affiche américaine des Inconnus dans la ville

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