Ce soir sur ARTE à 20h45 est diffusé La Planète des singes (Planet of the Apes), classique de la science-fiction dont le succès engendrera quatre suites (réussies à des degrés divers, sauf la dernière, La Bataille de la planète de singes en 1973), une série télévisée, des bandes dessinées, un remake en 2001 (de l’avis général l’un des plus mauvais films de Tim Burton) et un nouveau départ intéressant en 2011 (La Planète des singes : les origines). A la source de la mythologie populaire engendrée par les multiples adaptations pour le grand écran du roman de l’écrivain français Pierre Boulle il y a un excellent film de Franklin J. Schaffner. Les scénaristes Michael Wilson (Le Pont de la rivière Kwai) et Rod Serling (le créateur de la série La Quatrième Dimension) prennent des libertés avec l’histoire originale de Boulle, plutôt humoristique, pour la rendre plus réaliste, sérieuse, et la mettre au goût du jour : la fin des années 60 est marquée par la conquête de l’espace mais aussi par la Guerre Froide et la peur d’une catastrophe nucléaire, qu’on retrouve dans de nombreux films américains. La Planète des singes est sorti en 1968, la même année qu’un autre titre essentiel de la science-fiction moderne, 2001 : l’odyssée de l’espacede Stanley Kubrick. Si le film de Schaffner respecte davantage les conventions du cinéma d’aventures que le projet expérimental de Kubrick, les deux films partagent plusieurs thèmes et ambitions : voyages intergalactiques, collision entre les origines de l’humanité et un futur angoissant, réflexion sur l’idée de civilisation, d’évolution et de violence à une époque et dans un pays, les Etats-Unis, où les théories de Darwin déchainent toujours les passions.
Les films de Kubrick et de Schaffner bénéficièrent de budgets de superproductions, achevant de faire sortir la science-fiction des ornières de la série B et du bricolage pour la faire entrer dans l’ère des « blockbusters » et de l’avancée technologique.
C’est finalement La Planète de singes qui décrochera la timbale au box office mondial ainsi que le premier Oscar pour les maquillages spéciaux, créé à cette occasion, supplantant son rival 2001 : l’odyssée de l’espace sur un terrain identique, la fabrication de prothèses simiesques permettant à des acteurs de se glisser dans la peau d’hommes singes.
Franklin J. Schaffner était un solide metteur en scène de la même génération que John Frankenheimer ou Sidney Lumet, tous formés à la télévision. Le talentueux Schaffner apporta au projet une ampleur visuelle spectaculaire, magnifiée par la musique de Jerry Goldsmith. Schaffner avait déjà dirigé Charlton Heston dans le film d’aventures médiévales Le Seigneur de la guerre en 1965. La Planète des singes doit évidemment énormément au charisme et à l’implication physique de sa star Charlton Heston, pour qui nous éprouvons beaucoup d’admiration et qui a tourné dans de nombreux grands films.
Au sujet de La Planète de singes et de Charlton Heston on peut même parler de politique des acteurs.
Si La Planète des singes fut souvent comparé au chef-d’œuvre de Kubrick, on a toujours oublié de le rapprocher d’un autre film sorti la même année, The Swimmer de Frank Perry. Rien de commun en apparence entre ce drame intimiste et notre saga futuriste, sauf que les deux films parlent de la même chose : le voyage dans l’espace et le temps d’un homme mûr ramené à un état primitif et enfantin, et qui se termine par une révélation cruelle et destructrice.
On a déjà parlé ici du formidable et méconnu Swimmer qui repose entièrement sur la performance de Burt Lancaster en maillot de bain du début à la fin du film. Dans La Planète des singes c’est Charlton Heston qui s’exhibe en pagne préhistorique pendant les trois-quarts du métrage. Lancaster et Heston avaient déjà laissé admirer leur musculature, notamment dans Le Corsaire rouge ou Ben-Hur. Mais le temps a passé. Lancaster avait dix ans de plus qu’Heston en 1968, cela ne se voit pas. Les deux hommes sont magnifiques et athlétiques et leur volonté d’apparaître nus tout au long d’un film est aussi un défi lancé au vieillissement. The Swimmer et La Planète des singes peuvent aussi se voir comme des « coming out » de deux stars dont la bissexualité était un secret de polichinelle et qui trouvaient devant la caméra la possibilité d’exprimer leur narcissisme, aussi bien sinon mieux que devant un miroir.
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