Olivier Père

Spring Breakers de Harmony Korine

 

Spring Breakers le nouveau film d’Harmony Korine avec James Franco, Selena Gomez et Vanessa Hudgens sort aujourd’hui dans les salles françaises.

Le film raconte la virée de quatre collégiennes banales qui rêvent d’aller en Floride pour les vacances de mars (« Spring Break ») pour participer à ces réunions de jeunes au bord de la mer où pendant deux semaines des adolescents dansent sur les plages et au bord des piscines au son des musiques techno, rap et R&B, dans une sorte de transe collective amplifiée par la bière, l’alcool, les drogues et l’excitation sexuelle. Elles parviendront à exhausser leur rêve grâce à un braquage de station service qui leur permet de rejoindre ce qui leur semble l’horizon ultime de la liberté et du bonheur. Les unes quitteront la barque quand l’escapade commence à dégénérer dangereusement, les autres iront jusqu’au bout, dans une apothéose de violence absurde et irréaliste.

Spring Breakers

Spring Breakers

Korine qui a toujours été fasciné par les différentes formes de sous culture adolescentes et l’Amérique profonde commence son film par une sorte de documentaire mi sarcastique mi complice sur ces manifestations de déchainement juvénile (encore des rituels mis en scène par Korine) et la description d’un ennui et d’un désir d’aventures, même dérisoires, de ces jeunes provinciales. La seconde partie de Spring Breakers est tout aussi frénétique, qui montre les donzelles prises sous la protection d’un dealer local, Alien (génialement interprété par un James Franco méconnaissable) qui va leur faire découvrir son univers fantasmatique encombré de tous les oripeaux machistes des nouveaux Scarface du gangsta rap.

Ce qui séduit dans Spring Breakers, au-delà de sa brillance formelle et de sa photographie hallucinante signée Benoît Debie qui vient rompre avec une (non)esthétique de la saleté et de la destruction érigée en dogme dans Trash Humpers, c’est la grande mélancolie du film qui ausculte une Amérique débile malade de sa bêtise et de sa fascination pour la violence, et la mythologie du rêve américain et de la réussite réduits à leur plus pathétique expression. Avec Korine le rêve tourne au cauchemar et Spring Breakers, film de descente, montre que tous ces jeunes « normaux » sont plus tristes et monstrueux dans leur conformisme que les « freaks » de Trash Humpers.

Plusieurs séquences d’anthologie, une inspiration visuelle de tous les instants et des acteurs excellents : James Franco interprétant « Everytime » de Britney Spears au piano au bord de la piscine de sa villa de gangster, toujours Franco exhibant sa collection d’armes accrochée au mur de sa chambre à coucher, où l’assaut final qui s’inspire de l’esthétique de la série « Miami Vice » de Michael Mann.

 

Catégories : Actualités

2 commentaires

  1. Bertrand Marchal dit :

    Je me suis demandé tout au long du film de quoi il s’agissait, ce que le scénariste/réalisateur avait en tête et voulait dire.
    Un film violent dénonce-t-il la violence, un film racoleur dénonce-t-il la vulgarité… On marche sur un fil.

    Ici, j’ai ressenti une sorte d’intention réactionnaire sous-jacente : une fille est sauvée par la religion, l’autre par l’éducation, toute la bande de fêtards libertaires est vouée au crime et à un manque total de sens éthique…

    Je n’ai aucune idée de la conclusion qu’on peut en tirer: analyser un film aussi roublard est risqué. Il a un côté très critique, presque paternaliste, et puis il montre aussi une évidente indulgence fascinée envers les excès nihilistes de ses personnages. C’est aussi une caricature caustique de l’Amérique, du moins dans la manière dont le cinéma peut la fantasmer.

    Ainsi, le réalisateur se situe à la fois dans et hors de son sujet… Un paradoxe qui me laisse perplexe: le film tout entier est plutôt vide – bien que plein de mouvements, de couleurs et de bruits… Allez comprendre !

    • Olivier Père dit :

      j’ai défendu au moment de leurs sorties les films de Korine – sauf Mister Lonely que j’avais trouvé raté – mais je ne suis plus du tout sûr que je les aimerais autant si je les revoyais aujourd’hui… surtout Spring breakers, et en partie pour les raisons que vous évoquez.

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