Olivier Père

La Légende du grand judo de Akira Kurosawa

Affiche de La Légende du grand judo

Affiche de La Légende du grand judo

Un peu d’Histoire. La Légende du grand judo (Sugata Sanshiro) est le premier long métrage d’Akira Kurosawa réalisé en 1943 pour la Toho, d’après un roman à succès de Tomita. Kurosawa, alors scénariste et assistant, raconte dans son autobiographie qu’il parvint à convaincre son producteur de financer un film adapté d’un livre qu’il n’avait pas encore lu, persuadé du potentiel commercial et artistique d’un tel récit. Le film fut en effet très bien accueilli par la critique et le public, et le cinéaste novice sortit enchanté d’une première expérience placée sous les meilleurs auspices. L’histoire, à présent : La Légende du grand judo conte les aventures du jeune Sugata Sanshiro qui reçoit à la fin du XIXème siècle l’enseignement du jiu-jitsu, et affronte des membres d’écoles rivales aux méthodes de combats différentes. Il devient l’élève de Shogoro Yano, l’inventeur du judo, et se transforme en un expert invincible. La Légende du grand judo explique par l’intermédiaire d’un roman d’apprentissage les origines de la rivalité qui oppose encore le judo et le jiu-jitsu, une forme plus ancienne de combat. Pourtant le film ne s’adresse pas exclusivement aux spécialistes des arts martiaux. Visuellement splendide, contemplatif et émouvant, il rappelle que les arts martiaux sont un art de vivre, une philosophie avant d’être des sports violents. Et tout autant que les affrontements physiques, magnifiquement filmés (dans une forêt nocturne où dans la neige, ils atteignent une dimension poétique, voire philosophique), on retiendra dans La Légende du grand judo le cheminement spirituel et moral de son héros, déchiré entre la fidélité à son art et l’accomplissement de sa vie d’homme. Dans ce film extraordinaire, les vaincus sont touchés par la grâce et les vainqueurs par le doute. On découvre dans cette œuvre de jeunesse un hymne à la fraternité, un humanisme mais aussi un questionnement permanent des valeurs morales de la civilisation japonaise qui ne cesseront de caractériser l’art d’un maître du cinéma mondial. Akira Kurosawa a avoué beaucoup plus tard l’influence de la guerre sur ses premiers pas dans la mise en scène. Il ne put en effet occulter certains éléments nationalistes du scénario imposés par les services de la propagande, même si La Légende du grand judo tranche avec les productions cinématographiques nippones de l’époque, par son éloge discret de l’individualisme, sa définition personnelle de l’héroïsme qui constituent une critique audacieuse de l’idéologie dominante.

La Nouvelle Légende du grand judo

La Nouvelle Légende du grand judo

Le triomphe du film sera tel que les dirigeants de la Toho convaincront Kurosawa d’en réaliser une suite en 1945. La Nouvelle Légende du grand judo (Zoku Sugata Sanshiro) n’ajoute rien à la gloire de Kurosawa. C’est un film de circonstance, mineur, qui souffre du manque d’implication du cinéaste, et de similitudes trop grandes avec l’histoire originale.

La Légende du grand judo version 1965

La Légende du grand judo version 1965

Mécontent d’un précédent remake réalisé en 1955 Kurosawa décide dix ans plus tard de produire et de superviser (la responsabilité de l’artisan Seiichiro Uchikawa semble très limitée) une nouvelle version de La Légende du grand judo (Sanshiro Sugata, 1965) tournée simultanément à Barberousse (Akahige), avec la même équipe et les mêmes interprètes principaux (Yuzo Kayama et l’immense Toshiro Mifune). Malgré leurs qualités respectives (Barberousse fait partie des chefs-d’œuvre indiscutables de Kurosawa) les deux films seront des échecs commerciaux qui vont inaugurer une longue période de disgrâce pour le cinéaste et le « remake 65 » ne bénéficiera d’aucune distribution internationale (mis à part une sortie tardive en France à la fin des années 90), sombrant au Japon dans un oubli aussi profond qu’injuste.

Affiche de La Nouvelle Légende du grand judo

Affiche de La Nouvelle Légende du grand judo

 

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