Olivier Père

Ceci n’est pas un film de Jafar Panahi et Mojtaba Mirtahmasb

Lundi dernier, nous découvrions Ceci n’est pas un film à l’avant-première organisée par la Cinémathèque française. Tourné en toute clandestinité, le film avait été présenté pour la première fois hors compétition lors du dernier Festival de Cannes. Il sort aujourd’hui sur les écrans français, distribué par Kanibal films.
Jafar Panahi a été condamné à six ans de prison et à une interdiction de vingt ans de sortie du territoire et d’exercer son métier de cinéaste. Depuis des mois, il attend le verdict de la cour d’appel, dans son appartement. Si Panahi ne peut pas faire de film, rien ne l’empêche d’en imaginer un, seul avec un autre cinéaste, son ami Mojtaba Mirtahmasb. Entre le salon et la cuisine, il invente une histoire, une mise en scène, dialogue avec ses anciens films dont il choisit des extraits sur son écran plat. Le film montre le triomphe de l’imagination et de l’esprit, mais aussi le courage d’un cinéaste qui doit surmonter son angoisse et sa frustration créatrice avec beaucoup d’ironie. Ceci n’est pas un film est au contraire un film, et un des meilleurs de son auteur. Ce n’est pas un paradoxe mais au-delà de l’acte de résistance, la démonstration du talent du cinéaste qui parvient avec presque rien (une caméra, un ami, un téléphone portable) à dresser un portrait juste non seulement d’une situation personnelle dramatique mais aussi de tout un pays pris en otage par un régime totalitaire (voir la dernière séquence, drôle et très intelligente, où le cinéaste sort enfin de son appartement pour accompagner dans l’ascenseur le jeune homme qui descend les poubelles de l’immeuble).

Le soir de la projection – émouvante – à la Cinémathèque française, un communiqué de presse nous informait de l’arrestation de sept cinéastes iraniens :
« Suite à une nouvelle offensive de la police secrète du régime iranien contre les milieux du cinéma, sept artistes de renommée ont été arrêtés durant le dernier week-end (soit le 17 et 18 septembre). Il s’agit de Mojtaba Mirtahmsasb (réalisateur, il a cosigné Ceci n’est pas un film avec Jafar Panahi), Nasser Saffarian (réalisateur), Hadi Afarideh (réalisateur), Mohsen Shahnazdar (journaliste et documentariste), Shahnam Bazdar (réalisateur), Mehrdad Zahedian (réalisateur) et notre amie Katayoun Shahabi (productrice de cinéma). » Nouvelles consternantes et très inquiétantes, qui confirment le danger que courent actuellement les protagonistes du cinéma iranien dans leur propre pays. Je connais Katayoun depuis plusieurs années, c’est elle qui lors de mon unique voyage en Iran, en 2005, m’avait montré le second film de Mohammad Rasoulof, Jazireh ahani (Iron Island/La vie sur l’eau) qui avait fait la clôture de la Quinzaine des Réalisateurs cette année-là. Rasoulof a été condamné lui aussi à six ans de prison. Il a pu quitter l’Iran pour la sortie parisienne de son nouveau film Au revoir.

Toujours selon le communiqué de presse, « Ces artistes ont été arrêtés chez eux ou dans leurs bureaux. Les agences de presse liées au gouvernement iranien ont publié une information selon laquelle les correspondants de la BBC à Téhéran auraient été arrêtés. Les médias gouvernementaux tentent d’accréditer une version selon laquelle les cinéastes indépendants iraniens arrêtés seraient des espions au service de la BBC. Selon les dernières nouvelles, les cinéastes qui viennent d’être arrêtés ont été transférés à la section 209 de la prison Evin à Téhéran. Parmi les récentes victimes de la répression en Iran, figurent de nombreuses femmes artistes arrêtées ces dernières semaines. »

Plus d’une semaine après leur arrestation, nous sommes toujours sans nouvelles d’eux.

"Ceci n'est pas un film" ("In Film Nidst") de Jafar Panahi et Mojtaba Mirtahmasb

Ceci n’est pas un film (In Film Nidst) de Jafar Panahi et Mojtaba Mirtahmasb (2011)

Catégories : Actualités

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