Olivier Père

Locarno 2011 Day 4 : Lifetime Achievement Award à Harrison Ford

Chaque cinéphile, chaque spectateur se souvient de ses premiers émois cinématographiques, plus ou moins fondateurs pour le reste de sa vie et de sa relation personnelle au cinéma. Evidemment cela dépend de votre âge, de la décennie dans laquelle vous avez grandi. Enfant, les premiers films qui éveillèrent en moi une fascination particulière pour le cinéma étaient des films américains d’aventure et de science-fiction. Trois en particulier : La Guerre des étoiles, Les Aventuriers de l’arche perdue et Blade Runner. Je ne tardais pas à me rendre compte que ces trois films, qui avaient déclenché chez ma jeune personne des émotions, une curiosité et une excitation insoupçonnées (je ne savais pas encore que cela s’appelait la passion du cinéma) étaient interprétés par le même acteur : Harrison Ford. Il devenait alors urgent de s’informer sur cet acteur qui venait coup sur coup d’interpréter les deux plus fameux héros du cinéma hollywoodien moderne, Han Solo et Indiana Jones, ainsi qu’un détective privé du futur dans un film destiné à devenir un objet de culte, puis un classique insurpassable de la science-fiction cinématographique.

Star Wars Episode IV - A New Hope (1977)

Star Wars Episode IV – A New Hope (1977)

Né en 1942 à Chicago, Harrison Ford après des études catastrophiques et des cours d’art dramatique qui déclenchent sa vocation de comédien, décide de partir en Californie tenter sa chance à Hollywood. Les débuts sont difficiles et les rôles ne se bousculent pas. Harrison Ford obtient un petit contrat à la Columbia Pictures pour faire des apparitions dans des séries télévisées et quelques films anodins où il n’est même pas crédité. Son nom apparaît pour la première fois au générique d’un film avec La Poursuite des tuniques bleues de Phil Karlson, western fin de race (partiellement mis en scène par Roger Corman) qui a la particularité d’être interprété à la fois par une vedette sur le déclin (Glenn Ford) et deux acteurs fabuleux dans des petits rôles : Tim Carey et Harry Dean Stanton. Ce sera le seul western d’Harrison Ford avec la comédie Un rabbin au Far West de Robert Aldrich (rôle prévu au départ pour John Wayne, en 1979) et… Cowboys et envahisseurs de Jon Favreau aujourd’hui.
Au début des années 70 la carrière d’Harrison Ford ne décolle pas et son contrat avec la Columbia est rompu. On lui reproche son manque de charisme. Ford pense abandonnr le métier d’acteur et décide soudainement de devenir charpentier, métier qu’il exerce jusqu’en 1976. Il reste en contact avec le monde du cinéma puisqu’il continue d’accepter des petits rôles. Il fait une très courte apparition dans Zabriskie Point de Michelangelo Antonioni. Jacques Demy souhaite lui proposer le rôle principal de son Model Shop, la suite de son chef-d’œuvre Lola tournée à Los Angeles, mais les producteurs lui préfèrent Gary Lockwood, l’un des astronautes de 2001 : l’odyssée de l’espace. Ford restera néanmoins ami avec Demy et Agnès Varda, qui l’invitera à jouer dans son film hommage au cinéma Les Cent et Une Nuits de Simon Cinéma en 1995.
C’est en effectuant des travaux de menuiserie chez des producteurs ou des cinéastes qu’Harrison Ford parvient à décrocher des rôles intéressants et que les opportunités professionnelles se présentent enfin. Fred Roos, directeur de casting de la Universal lui présente George Lucas qui prépare son second long métrage, American Graffiti. Le film (autrefois projeté au Festival del film Locarno sur la Piazza Grande) est un triomphe et redonne espoir à l’acteur Harrison Ford. Francis Ford Coppola, ami de Lucas, lui offre des petits rôles dans ses chefs-d’œuvre Conversation secrète et Apocalypse Now (film tourné avant mais sorti après La Guerre des étoiles, où son personnage s’appelle… Lucas) qui obtiendront tous les deux la Palme d’or au Festival de Cannes. Harrison Ford commence à faire parler de lui. George Lucas lui apporte la gloire définitive en lui confiant le rôle d’Han Solo dans son space opéra La Guerre des étoiles. Kurt Russell, Nick Nolte, Al Pacino, Sylvester Stallone, Christopher Walken, Richard Dreyfuss sont pressenti pour interpréter le contrebandier intergalactique, personnage cynique et finalement héroïque, mais Lucas est convaincu par les essais d’Harrison Ford, pourtant beaucoup moins célèbre que ses concurrents.
La genèse de ce triomphe du box-office est entrée dans la légende. Personne à la Fox ne croyait au succès d’un film sans grandes vedettes réalisé par un jeune cinéaste timide qui venait d’imaginer la saga la plus populaire de l’histoire du cinéma.
Harrison Ford retrouve le personnage de Han Solo dans les deux suites de La Guerre des étoiles, L’Empire contre-attaque et Le Retour du Jedi. Il obtient une gloire encore plus grande en devenant Indiana Jones derrière la caméra de Steven Spielberg, qui signe avec Les Aventuriers de l’arche perdue un nouveau triomphe mondial. Le film est imaginé par Spielberg et Lucas comme un hommage aux serials des années 30 et aux films d’aventures de série B des années 40. Alors que le cinéma américain des années 60 et 70 avait mis en doute la dimension héroïque et spectaculaire de la production hollywoodienne, Spielberg invente un personnage dans la lignée de ceux campés par Clark Gable, Gary Cooper ou Spencer Tracy, et orchestre la rencontre entre la nostalgie cinéphilique, les effets spéciaux et l’humour. Indiana Jones devient une icône cinématographique d’une notoriété extraordinaire, au même titre que James Bond. Harrison Ford interprétera le célèbre archéologue dans quatre films réalisés entre 1981 et 2008, tous mis en scène par Spielberg.

Indiana Jones et le temple maudit (1984)

Harrison Ford dans Indiana Jones et le temple maudit (1984)

Grâce à Han Solo et Indiana Jones, Harrison Ford est un héros cinématographique. Il n’est pas encore reconnu comme un grand acteur ou une star lorsqu’il est choisi par Ridley Scott pour jouer le rôle principal de Blade Runner, ambitieuse production de science-fiction, violente, pessimiste et complexe, aux antipodes des films de Lucas et Spielberg. Il faudra attendre la collaboration avec Peter Weir pour que le talent d’Harrison Ford soit reconnu à sa juste valeur, prouvant que l’acteur est capable de conquérir le public et la critique avec d’autres rôles que des héros de bande dessinée ou de space opéra. Witness et Mosquito Coast (le rôle préféré d’Harrison Ford) apportent une reconnaissance extraordinaire à Harrison Ford. Il délivre des compositions subtiles dans des films de Mike Nichols, Alan J. Pakula, Sydney Pollack. Dans le formidable Frantic de Roman Polanski, tourné à Paris, il interprète un personnage hitchcockien dans la lignée de Gary Grant ou James Stewart.
Ford est en effet un des derniers acteurs hollywoodiens classiques, à l’opposé d’une approche intellectuelle et de la méthode de l’Actors studio. Malgré des rôles plus réalistes et psychologiques il confirme une popularité exceptionnelle dans le domaine du cinéma d’action grâce au Fugitif d’Andrew Davis, un de ses plus gros succès personnels. Ford interprète même un troisième personnage récurrent, l’agent de la CIA Jack Ryan dans deux films d’espionnage adaptés des best sellers de Tom Clancy, Jeux de guerre et Danger immédiat de Philip Noyce. Il interprète également le Président des Etats-Unis confronté à des terroristes dans le blockbuster Air Force One de Wolfgang Petersen. Le thriller fantastique Apparences de Robert Zemeckis lui permet d’interpréter le premier « méchant » de sa carrière aux côtés de Michelle Pfeiffer. Il est le capitaine d’un sous-marin nucléaire soviétique dans K-19 : Le Piège des profondeurs de Kathleen Bigelow.

Ce n’est pas tous les soirs qu’on a la chance de saluer le héros de son enfance, et de lui remettre un Lifetime Achievement Award. Ce sera le cas pour moi à 21h30 sur la Piazza Grande, à l’occasion de la présentation en première européenne de Cowboys et envahisseurs de Jon Favreau, qui marque les retrouvailles entre la star et le cinéma de science-fiction. Harrison Ford sera accompagné par le réalisateur, Daniel Craig et la belle Olivia Wilde. On a connu affiche moins excitante.

Cowboys et envahisseurs de Jon Favreau (2011)

Cowboys et envahisseurs de Jon Favreau (2011)


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