Toute une nuit sans savoir

Quelque part en Inde, une étudiante en cinéma adresse de longues missives à son petit ami dont elle a été séparée de force. À son récit en voix off, évoquant son quotidien, ses états d'âme et ses désillusions, se superposent des images de campus universitaires en effervescence, des coupures de journaux et des séquences d'archives témoignant des violents troubles qui secouent le pays depuis l'arrivée au pouvoir de Narendra Modi. Dans les mots de L., la jeune narratrice, gronde une révolte sourde contre un pouvoir qui exacerbe les tensions entre communautés religieuses, et entretient les survivances cruelles, jusque dans la sphère privée, du système de castes.

Appel au soulèvement
Exploitant le principe narratif du found footage – les lettres qui servent de base au film auraient été retrouvées sur le campus d'une école de cinéma de Pune –, la réalisatrice Payal Kapadia signe un objet filmique original et puissant, dont l'esthétique expérimentale est loin d'être vaine : elle sert un propos hautement politique, déroulant la chronologie de luttes estudiantines et de mouvements de protestation violemment réprimés par les autorités. À mi-chemin entre fiction intime et manifeste militant, ce documentaire au montage hypnotique, véritable appel au soulèvement, témoigne de la vitalité d'une jeunesse indienne avide de changements.