Olivier Père

SSSSnake de Bernard L. Kowalski

Parmi la litanie des films à petits budgets sans qualités particulières produits aux Etats-Unis dans les années 70, certains se distinguent quand même par leur folie douce ou leur discrète étrangeté, surtout quand ils appartiennent au genre fantastique. C’est le cas de SSSSnake (Sssssss, 1973) de Bernard L. Kowalski, curiosité qui s’inscrit dans la mouvance de l’horreur animalière. Ce sous-genre s’épanouit après le succès commercial inattendu de Willard (1971) de Daniel Mann, dans lequel un jeune sociopathe utilisait ses amis les rats pour se venger de ses persécuteurs.

Trois ans plus tard le film de Bernard Kowalski – qui augure dès son titre une forme d’excentricité – mise sur la phobie des serpents, particulièrement répandue, pour déclencher l’effroi des spectateurs. La réussite des scènes choc est davantage atteinte grâce au réalisme des prises de vues qu’à la sophistication de la mise en scène. Ce sont des centaines de reptiles qui furent utilisés pour les besoins du film, parfois importés de destinations lointaines, et parmi lesquels des spécimens de variétés extrêmement venimeuses et parfois mortelles. Cela implique que les acteurs se mirent en danger ou réprimèrent leur dégoût pour tourner avec de vrais serpents. Comme plusieurs films d’exploitation américains l’absence de moyens et une direction artistique rudimentaire sont compensées par des sensations fortes certifiées authentiques. SSSSnake n’est pas pour autant un documentaire sur l’élevage des serpents. Il s’inspire de deux chefs-d’œuvre du film de monstres pour structurer son récit : Freaks de Tod Browning et surtout L’Ile du docteur Moreau de Erle C. Kenton d’après le roman de H.G. Wells. Avec le postulat inverse. Cette fois-ci un savant fou ne cherche pas à créer des êtres hybrides à partir d’animaux, mais à transformer un homme en serpent, avec des motivations délirantes – inventer une race supérieure susceptible de résister à la bombe atomique ou aux catastrophes écologiques. L’infortuné cobaye humain est un étudiant embauché comme assistant par un herpétologiste qui vit et pratique ses expériences en reclus, dans sa ferme où il travaille avec sa fille. Le jeune homme va découvrir trop tard que des injections de sérum modifient progressivement son organisme, jusqu’à la métamorphose totale. Le maquillage reptilien est réussi, simple mais flippant. Le film est parsemé de crimes commis avec l’aide de serpents, comme celui d’un athlète mordu sous la douche, en clin d’œil à Psychose.

La découverte d’une précédente victime du scientifique, réduit à l’état de monstre de foire dans une baraque foraine, introduit dans cette histoire classique l’idée de répétition funèbre. L’assistant est impuissant à enrayer son tragique destin. Il rejoint, par la petite porte, les figures pathétiques du cinéma d’épouvante, que l’amour ne parvient pas à sauver. Le savant psychopathe est interprété par Strother Martin, second couteau récurrent des westerns des années 60 et 70 qui jouait un tueur à gages dégénéré dans La Horde sauvage de Peckinpah et décroche ici l’unique rôle principal de sa longue carrière. SSSSnake est la première production du duo David Brown / Richard Zanuck, qui se faisait la main chez Universal avant de décrocher le gros lot en 1975 avec un thriller animalier d’un tout autre calibre, Les Dents de la mer de Steven Spielberg.

Le film est disponible en DVD et blu-ray dans la nouvelle collection « trésors du fantastique » éditée par Movinside.

 

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