Olivier Père

Cannes 2015 Jour 5 : Vers l’autre rive de Kiyoshi Kurosawa (Un Certain Regard)

Après une longue accalmie causée par l’échec au Japon de son pourtant superbe Tokyo Sonata, Kiyoshi Kurosawa a repris depuis sa minisérie exploitée en salles en France Shokuzai – cet été sur ARTE – son trépidant rythme de travail, avec des résultats artistiques admirables. Alors que le tournage de son film français La Femme de la plaque argentique s’est achevé il y a quelques semaines, Kurosawa présente à Cannes un film réalisé au Japon l’été dernier, Vers l’autre rive (Kishibe No Tabi) traversé par l’un de ses thèmes de prédilection, la relation entre le monde des morts et celui des vivants. Succédant aux inquiétants ectoplasmes de Kaïro ou de Séance, porteurs d’angoisse et de culpabilité, le fantôme de Vers l’autre rive propose une nouvelle déclinaison du revenant, non plus sur le mode de l’inquiétude ou de l’effroi mais au contraire de l’harmonie retrouvée. Yusuke (Tadanobu Asano), le mari de Mizuki (Eri Fukatsu) s’est noyé il y a trois ans. Un beau jour, il fait sa réapparition dans la vie de Mizuki, sans que cette dernière ne s’en étonne outre mesure. Ensemble, ils vont entreprendre un voyage à travers le Japon, afin de conduire Yusuke vers la mort définitive.

Vers l'autre rive de Kiyoshi Kurosawa

Vers l’autre rive de Kiyoshi Kurosawa

Histoire d’amour en forme de road movie adaptée d’un roman de Kazumi Yumoto, Vers l’autre rive délaisse le fantastique pur pour le mélodrame, avec un ton plus apaisé que d’habitude de la part de Kurosawa. Le cinéaste raconte comment les liens amoureux entre une femme et son mari perdurent au-delà de la vie, dans des espaces qui délaissent l’architecture urbaine au profit de paysages bucoliques. C’est une véritable géographie intime et mentale, à l’échelle d’un pays insulaire et brumeux, que le cinéaste perce à jour. La réduction d’une vie et d’une relation conjugale au temps d’un voyage, avec ses ralentissements, accélérations et retours en arrière permet d’évoquer, sur un autre registre, Voyage à deux de Stanley Donen. Là aussi l’apparent classicisme de la mise en scène de Kurosawa, majestueuse et tranquille, dissimule une sismographie émotionnelle dont on ressort bouleversé.

 

Sortie dans les salles françaises le 9 septembre, distribué par Version Originale / Condor.

 

Kiyoshi Kurosawa, Etsuko Ichihara et Naomi Kawase à Cannes

Kiyoshi Kurosawa, l’acteur Masatoshi Nagase et Naomi Kawase à Cannes

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