Olivier Père

Les Quatre Cents Coups et Antoine et Colette de François Truffaut

Dans le cadre de son cycle François Truffaut, en association avec la Cinémathèque française qui lui consacre une exposition et une rétrospective jusqu’au 25 janvier 2015, ARTE diffuse lundi 3 novembre à 20h45 Les Quatre Cents Coups (1959), premier long métrage de Truffaut et premier épisode de la saga Antoine Doinel. Largement autobiographique, le coup d’éclat inaugural de ce jeune cinéaste venu de la critique pose avec aplomb les bases d’une œuvre fiévreuse et faussement classique, intime sans jamais sombrer dans l’introspection. Il s’agit pour Truffaut d’évoquer avec le plus de justesse possible une enfance fugueuse et malheureuse, la sienne et celle des autres, au point que Les Quatre Cents Coups, grand succès au moment de sa sortie, est encore aujourd’hui un film assez indépassable sur les sentiments de rébellion et de solitude vécus à l’adolescence. Le jeune Antoine Doinel âgé de quatorze ans est un petit Parisien des quartiers populaires qui passe son temps à essayer de fuir : l’école, la famille, le monde… Le film enchaîne les épisodes cocasses et truculents, mais c’est la mélancolie, et même la souffrance qui l’emportent, comme souvent chez Truffaut.

Avec son copain René, Antoine invente une vie où l’école buissonnière, les mensonges et le cinéma parviennent à lui faire oublier le quotidien, la grisaille de la ville, et surtout le désamour d’une mère hostile ou indifférente, incapable de lui exprimer la moindre tendresse. Truffaut, le cinéaste qui aimait les femmes et leur consacra une large part de sa vie et de ses films, montre ainsi les origines de son obsession quasi maladive avec le portrait cruel d’une mère qui rejette son enfant. L’attirance pour les salles obscures du jeune Doinel et sa dévotion précoce pour Balzac – au point de dédier à l’écrivain un autel caché dans un recoin du petit appartement familial – sont bien sûr celles de Truffaut, qui bâtira de film en film sa propre « comédie humaine », tandis que Monika de Bergman (dont Antoine vole une photo dans la vitrine d’un cinéma) apparaît comme l’une des références majeures des Quatre Cents Coups. Le choix des décors naturels, l’absence de grandes vedettes facilitent la captation de la réalité du Paris de la fin des années 50 et rompt avec une certaine tradition académique tant honnie par Truffaut, aussi véhément dans ses admirations (Rossellini, Renoir, Cocteau, le critique André Bazin – mort à quarante ans le premier jour du tournage – auquel est dédié le film) que ses détestations. La découverte de Jean-Pierre Léaud, admirable dans le rôle d’Antoine Doinel, est bien sûr le coup de génie de Truffaut – qui aura raison de souligner l’incroyable contribution de son jeune interprète à la réussite du film. Trois ans plus tard, Truffaut donne une suite aux aventures d’Antoine Doinel sous la forme d’un court métrage, Antoine et Colette (1962), racontant la première histoire d’amour – malheureuse – de son personnage pour une jeune fille moderne qui se moque de lui. Truffaut inclut un souvenir d’enfance d’Antoine, désormais indépendant et qui a trouvé un petit boulot chez un éditeur de disques, sous la forme d’un extrait des Quatre Cents Coup, technique auto citationnelle que le cinéaste réutilisera bien plus tard dans L’Amour en fuite. Révélation de Marie-France Pisier dans le rôle de Colette. C’est la seconde apparition à l’écran de la future égérie du cinéma d’auteur français et Truffaut la filme avec pudeur et fascination, comme toutes les autres héroïnes truffaldiennes, sensuelles et volontaires, qui lui succéderont. Antoine et Colette faisait partie d’un film collectif à sketches comme c’était la mode dans les années 60, L’Amour à vingt ans qui réunissait cinq courts métrages de réalisateurs estampillés « Nouvelle Vague » réalisés dans cinq pays différents. L’histoire n’aura retenu que celui de Truffaut. Première diffusion sur ARTE de Antoine et Colette le dimanche 2 novembre à 23h55. Le film sera disponible en Replay sur ARTE+7.

Le cycle Antoine Doinel avec Jean-Pierre Léaud se poursuivra avec Baisers Volés (1968), Domicile conjugal (1970) et L’Amour en fuite (1979), qui laissera François Truffaut insatisfait. Quant à l’enfance, Truffaut lui consacrera deux autres films majeurs, L’Enfant sauvage (1970) et L’Argent de poche (1976).   Nous vous invitons à consulter notre dossier spécial François Truffaut http://cinema.arte.tv/fr/dossier/francois-truffaut

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