Olivier Père

Thé et Sympathie de Vincente Minnelli

Redécouvert cet été lors de la rétrospective Minnelli du 64ème Festival del film Locarno, Thé et Sympathie ressort aujourd’hui à Paris en copie neuve (et bientôt dans les salles de province) grâce au distributeur Action/Théâtre du Temple, après de longues années d’invisibilité. Tant mieux, car il compte parmi les plus beaux films du cinéaste américain, les plus intimes et secrets aussi. Réalisé en 1956, Thé et Sympathie représente sans doute ce que l’on pouvait proposer de plus audacieux à l’époque –  et surtout à Hollywood –  sur un sujet tabou, l’homosexualité. Le film commence et se termine dix ans après les faits racontés, le temps d’un long flash back. C’est l’histoire d’un jeune étudiant, garçon « sensible » et solitaire, amateur de couture, poésie et de musique classique, qui se heurte à l’hostilité de ses camarades plus virils. Mais le film est surtout le souvenir d’un amour impossible entre ce jeune homme et une femme mal mariée, plus âgée que lui, dont le premier époux était lui aussi un garçon doux mort au combat en voulant prouver sa bravoure aux autres soldats. Minnelli explore les thèmes des problématiques rapports père fils, des passions interdites et du refus – ou de l’incapacité – à se plier aux règles d’une société étouffante, au cœur de toute son œuvre. La douleur de vivre frappe les personnages de Minnelli, fragiles et déséquilibrés, empêchés dans leurs rêves et leurs désirs, insuffisamment armés pour affronter la violence de la société américaine, atroce et cruelle sous le vernis des conventions et la joliesse du décor. L’aliénation débouche souvent sur la folie, évoquée dans deux grands films dramatiques réalisés juste avant Thé et Sympathie, La Toile d’araignée (déjà avec John Kerr, qui remplaçait James Dean) et La Vie passionnée de Vincent Van Gogh. Thé et Sympathie comporte une des plus belles scènes de l’œuvre minnellienne, lorsque la femme mariée se donne enfin à son jeune amant, dans un sous-bois, au crépuscule, pour la première et la dernière fois. Scène bouleversante car d’une grande théâtralité, dans un décor de studio et baignant dans une lumière totalement picturale : quintessence du cinéma de Minnelli où la vérité et l’émotion surgissent toujours par le détour de l’artifice. Et difficile de faire l’éloge de Thé et Sympathie sans admirer la grâce et le talent de Deborah Kerr, au sommet de sa carrière puisqu’elle allait tourner dans deux autres chefs-d’œuvre après le film de Minnelli, Elle et Lui de Leo McCarey (1957) et Bonjour tristesse d’Otto Preminger (1958).
Sur TCM tout le mois de septembre on pourra voir l’intégralité (ou presque) des films de Deborah Kerr. En plus des titres déjà cités, ne pas manquer Les parachutistes arrivent de John Frankenheimer…

Affiche de Thé et Sympathie

Affiche de Thé et Sympathie (1956)

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