Olivier Père

La Cité de l’indicible peur de Jean-Pierre Mocky

L’inspecteur Simon Triquet (Bourvil) est à la recherche d’un faussaire évadé, Mickey le Bénédictin. Son enquête le conduit à Barges, village imaginaire d’Auvergne, où il découvre le comportement bizarre des habitants. La présente d’une bête, surnommée « la Bargeasque », que Saint Urodèle aurait décapitée au Moyen-Âge, sèmerait la terreur dans la région…

En 1964, Jean-Pierre Mocky adapte librement mais avec beaucoup de bonheur et de sensibilité l’univers fantastique de l’écrivain belge Jean Ray, qui disparut avant de pouvoir apprécier le travail du cinéaste. Le film réunit autour de Bourvil la troupe habituelle du cinéaste (Jean Poiret, Francis Blanche et ses pittoresques seconds couteaux) et quelques vieilles gloires du cinéma français (Jean-Louis Barrault, Victor Francen, Raymond Rouleau) dans des rôles particulièrement excentriques. Cette incursion remarquable dans le domaine de l’étrange, avec des notes burlesques et surréalistes se révéla si insolite qu’elle fut incomprise et mal reçue à l’époque de sa sortie, y compris par son propre distributeur qui exigea un nouveau montage et un titre plus accrocheur, La Grande Frousse. C’est heureusement la version intégrale inédite, soit un vrai « director’s cut » restauré par Mocky lui-même qui est désormais accessible en blu-ray et DVD. Une occasion exceptionnelle de savourer l’inquiétante loufoquerie d’un film à la fois drôle et touchant, qui doit beaucoup à son interprète principal (Bourvil toujours formidable chez Mocky) et à son dialoguiste, le grand écrivain Raymond Queneau, absent du générique pour des raisons de contrat mais dont l’humour et l’amour des mots sont reconnaissables entre tous. Mocky plus Bourvil plus Queneau plus Jean Ray plus une pléiade d’acteurs qui s’en donnent à cœur joie, sans oublier l’un des plus grands directeurs de la photographie (Eugen Schüfftan) derrière la caméra, voilà l’équipe gagnante d’une réussite à nulle autre pareille dans la fourmillante carrière de Mocky et dans une veine précieuse et guère fréquentée du cinéma français, surtout à partir des années 60 : le fantastique poétique.

ESC a entrepris la réédition de l’œuvre de Jean-Pierre Mocky en Blu-ray (pour certains titres, dont celui-ci) et en DVD. Quelques-uns des meilleurs films du réalisateur sont déjà disponibles : La Cité de l’indicible peur mais aussi Un drôle de paroissien, L’Ibis rouge, Le Témoin, Y a-t-il un Français dans la salle ?… 

Catégories : Actualités

3 commentaires

  1. Bertrand Marchal dit :

    Monsieur Père,

    Trouveriez-vous le courage de me proposer une liste des 10 films de Mocky que vous jugez les meilleurs?

    Sa filmo est pléthorique, elle me décourage!
    Il fut une époque où j’en ai vu bcp à la suite et ce sont des montagne russes. Le fond râleur, anar, briseur de couilles reste, mais prends souvent aussi des côtés lourds voire bisseux, et la qualité de la mise en scène varie très fort et même décline constamment vers les 15 dernières années jusqu’à rendre la plupart des films insupportables de laideur et de bâclage…

    • Olivier Père dit :

      je suis un inconditionnel de Mocky même s’il est vrai que tous ses films, à partir de 1990, sont mauvais voire insupportables. Néanmoins, ses films des années 60-70 sont pour la plupart très réussis.
      pour le top 10 je dirais : Les Dragueurs, Un drôle de paroissien (et tous les films avec Bourvil), Les Compagnons de la marguerite, le diptyque Solo+l’albatros , Un linceul n’a pas de poches, l’ibis rouge, Le témoin, A mort l’arbitre!, Le Miraculé.

  2. Bertrand Marchal dit :

    super, merci!

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