Olivier Père

Gangs of New York de Martin Scorsese

Diversement accueilli au moment de sa sortie par la critique et la cinéphilie, malgré un gros succès au box-office international, terni par les échos d’une production extrêmement compliquée et les coups de ciseaux d’Harvey Weinstein, Gangs of New York (2002) gagne à être revu et mérite d’être réhabilité au sein de la dernière période de la filmographie de Martin Scorsese, soit l’entrée dans le XXIème siècle qui marque les débuts de sa collaboration au long cours avec Leonardo DiCaprio. Gangs of New York fut accusé de pompiérisme au sein même de ce blog, en raison de sa surcharge décorative et d’une direction artistique parfois déconcertante – le film ne cache rien des artifices de son tournage dans les studios de Cinecitta à Rome. C’est justement dans cette rupture avec l’esthétique américaine, qui privilégie le réalisme au détriment du carnavalesque, que Gangs of New York surprend. Le propos du film, l’édification d’une nation bâtie sur la violence entre gangs ethniques qui se partagent New York et les prémisses des massacres de la guerre civile, aurait pu donner lieu à une fresque épique dans une tradition qui va de Griffith à Cimino. Même s’il s’inspire de faits et de personnages réels, Scorsese opte pour un traitement à la Sergio Leone, où la grande Histoire est évoquée à travers le prisme du récit d’une vengeance œdipienne. Ce n’est sans doute pas un hasard si le film est coproduit par Alberto Grimaldi, l’homme derrière les meilleurs westerns italiens de Leone, Corbucci et Sollima ainsi que les reconstitutions fastueuses de Pasolini, Pontecorvo, Bertolucci et Fellini. Le film de Scorsese, si peu américain malgré son sujet, se situe dans cette généalogie baroque, à laquelle il faudrait ajouter l’influence souterraine du cinéma de Hong Kong, bien plus prégnante ici que dans le remake d’Infernal Affairs réalisé quatre ans plus tard. Les combats de rue à la hache ou au poignard, filmés dans la brume ou dans des angles incongrus, les accoutrements bigarrés des protagonistes ne sont pas sans évoquer les chorégraphies les plus sauvages des films de Tsui Hark. Dans le rôle de Bill le Boucher, méchant plus grand que nature, Daniel Day Lewis livre une performance monstrueuse et outrancière, au diapason du film.

 

Diffusion sur ARTE le lundi 22 avril à 20h55. Egalement disponible gratuitement en télévision de rattrapage sur ARTE.tv jusqu’au 5 mai 2024.

 

 

 

 

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