Un monde parfait (A Perfect World, 1993) compte parmi les chefs-d’œuvre indiscutables de Clint Eastwood.
Le cinéaste aborde les années 90 en état de grâce. Impitoyable s’avère être un adieu magistral au western. Un monde parfait renouvelle le miracle. Deux prisonniers, Butch et Terry, s’évadent d’un pénitencier et prennent un petit garçon en otage pour protéger leur fuite. Prenant conscience de la folie de son complice, Butch l’abat et devient l’ami du gamin. Le hors-la-loi est traqué par une criminologue et un ranger vieillissant, qui fut autrefois responsable de l’emprisonnement de Butch et qui, pris de remords, souhaite mettre un terme à la cavale sans effusion de sang. On retrouve dans Un monde parfait la relation d’admiration et de filiation ambiguë entre un adulte marginal et un enfant déjà au cœur du magnifique Honkytonk Man. Une fois de plus, Eastwood malmène sa propre mythologie : frappé par la limite d’âge, il interprète le flic à la mauvaise conscience et préfère confier le rôle principal à la star Kevin Costner, alors au sommet sa gloire et ici remarquable. Un monde parfait n’est ni un polar rural, ni un « road movie » élégiaque, ni une chronique rétro mais bien un récit d’apprentissage tragique et d’héritage impossible dans lequel un enfant est plongé dans un monde de violence et de mort, où la figure paternelle prend l’apparence d’un être inadapté aux règles sociales et condamné à croupir derrière les barreaux, à errer et à être tué. On pourrait dire que c’est le Moonfleet d’Eastwood. Le film suit une trajectoire au cours de laquelle la naissance de la maturité coïncide avec la perte de l’innocence et des illusions sur la vie. Un monde parfait désigne Eastwood comme le dernier grand cinéaste classique. Sa sobriété naturelle ne l’empêche pas de s’adonner à des élans poétiques comme l’incipit et la fin du film, images ralenties à la fois solaires et mortuaires qui captent le passage de Butch de la vie à trépas, transformé soudain en dormeur rimbaldien.
Diffusion sur ARTE le dimanche 14 avril à 21h.
Bonjour Olivier,
je suis allé voir ce film au cinéma l’année de mes vingt ans, en compagnie de mon père. Ce film de Clint évoque pour moi le partage : c’est mon père qui m’a donné le goût de la cinéphilie et de l’exigence dans le choix des films, dont on discutait après la séance. Merci Olivier et Arte de programmer ce film intemporel, dont les images nous hantent longtemps, très longtemps après le visionnage.