Le nouveau cinéma scandinave n’a pas fini de nous étonner, et de nous bousculer. Ce premier film norvégien, présenté au Festival de Cannes dans la section Un Certain Regard, est une découverte enthousiasmante, qui se révèle encore plus grinçante et dérangeante que les comédies les plus noires du cinéma italien des années 70. La presse française ne s’est d’ailleurs pas privée de se tordre le nez devant ce film poil à gratter plein de méchanceté, de mauvais esprit mais aussi d’une drôlerie impitoyable. Sick of Myself (Syk pike) 2022) se présente comme une satire du narcissisme contemporain, qui aborde les thèmes de l’obsession de l’image publique et privée véhiculée par les réseaux sociaux, du cynisme du monde de l’art contemporain et de la publicité. C’est aussi la chronique inattendue d’une relation « toxique », sur un couple de jeunes trentenaires incapables de s’aimer vraiment, étouffés par leur égoïsme et leur rivalité. La férocité du film est tempérée par un humour très noir et il faut bien le reconnaitre, assez hilarant. La mise en scène de Kristoffer Borgli est inventive. Sick of Myself fonctionne selon plusieurs niveaux de récits et de valeurs d’images. On découvre tout a long du film que des séquences entières sont le fruit de l’imagination de l’héroïne, ou des rêves. Ce premier long métrage s’inscrit dans la mouvance sarcastique d’un Ruben Ostlund mais le jeune réalisateur norvégien Kristoffer Borgli a plus d’humour et fait preuve d’une vision moins surplombante que son voisin suédois doublement palmé. Le caractère et le comportement insupportables des personnages sont ici davantage un ressort comique que des pièces à conviction pour un jugement moral sans appel. Le mélange d’étude de moeurs et de comédie trash fonctionne bien, au point qu’il est tenant de classer le film dans la catégorie du « body horror », avec ses transformations corporelles qui peuvent heurter les personnes sensibles. Autre point positif, les acteurs sont formidables. Kristine Thorp porte le film sur ses épaules. On est surpris d’apprendre que le copain de l’héroïne est un artiste plasticien dans la vie, comme le personnage qu’il interprète, et qu’il a lourdement insisté auprès du réalisateur pour tenir le rôle de ce parfait c….
Le DVD édité par Tandem, également distributeur du film en salle, propose des entretiens de l’actrice et du réalisateur ainsi qu’un court métrage, Eer (« Oreille ») qui démontre que Borgli avait déjà développé avant Sick of Myself un humour bizarre et un goût pour le « body horror » parodique à la Quentin Dupieux.
» dans la mouvance sarcastique d’un Ruben Ostlund mais le jeune réalisateur norvégien Kristoffer Borgli a plus d’humour et fait preuve d’une vision moins surplombante que son voisin suédois doublement palmé. Le caractère et le comportement insupportables des personnages sont ici davantage un ressort comique que des pièces à conviction pour un jugement moral sans appel. »
Je perçois une certaine distance avec les films moralisants de Ostlund qui rendent babas d’admiration le gang des critiques qui le portent aux nues (autant que Hanecke)!
autrement dit, ça donne envie!
Bien vu MB. Mais j’aime plusieurs films de Haneke (les premiers en Autriche, La Pianiste, Caché, les téléfilms… ARTE va lui consacrer un cycle bientôt)
ça sera l’occasion de subtiliser mon sentiment sur Hanecke!
Je n’ai vu que le premier film de Ostlund, sur l’avalanche. J’ai immédiatement été irrité par la façon dont le scénario prétendait forcer la réflexion du spectateur. C’est un film qui déroule un programme, un plan préconçu très intrusif dont les protagonistes sont réduits à des éléments de l’équation, au service entier de la démonstration.
D’après les bribes de ce que j’ai lu sur la suite des ses productions, les schémas restent aussi artificiels et coercitifs.
les films de Haneke (à part Amour, que je n’aime pas) sont loin d’être aussi bornés. Je comprends qu’on les compare, bien que je n’y avais pas pensé à priori. Les films de Haneke sont implacables, oui, illustrations du désenchantement de l’auteur, oui, mais ils sont bien moins évidents, plus insidieux: ils marchent toujours, malgré l’intention, sur une ligne plus trouble et incertaine.
Je suis d’accord avec vous mais Snow Therapy (ou force majeure, sur l’avalanche) n’est pas son premier mais son quatrième film (le troisième, PLAY, avait été remarqué à la Quinzaine des réalisateurs)
Ah bon! Ai-je raté un démarrage spectaculaire et passionnant?
rien qui puisse vous faire changer d’avis!
enfin vu SICK, grâce à vous
suite à ma mini polémique anti Ostlund, je me refuse de faire la même chose avec Hanecke puisque je suis loin d’avoir tout vu de lui.
SICK OF MYSELF accomplit la prouesse de mixer en douceur comique et drame, je ne crois pas avoir déjà vu ailleurs ce mélange proposé avec autant de douceur et d’évidence, loin des gros sabots de X ou Y (assez de polémique!)
J’ai été tenté d’abandonner le film irrité parfois et à chaque fois un moment me dissuadait,
la musique donne un contrepoint assez étonnant par rapport à ce qu’elle accompagne
J’adore le petit ami: « J’étais à la fin de mon discours! Rhââh! »
L’interview de Borgli révèle un type très intelligent m’en vas surveiller son prochain film!
(ceci dit l’encodage du dvd donne une qualité très moyenne, quasi floue, on constate ça sur certaines éditions)
oui mais il a déjà tourné un autre film depuis Sick of Myself, un film indé américain avec Nicolas Cage Dream Scenario ça ne me fait pas vraiment envie mais je vais quand même me forcer à le voir. J’espère qu’il ne va pas se perdre à Hollywood…
apparemment c’est pas sorti ici? c’est pas même annoncé
guettons
Si c’est (mal) sorti en France le 27 décembre 2023, distribué par Metropolitan Filmexport.