Olivier Père

125, rue Montmartre de Gilles Grangier

Certains films acquièrent avec les décennies la valeur de document sur les us et coutumes de populations rurales et urbaines. Cela concerne essentiellement les productions, y compris les plus commerciales dénuées d’enjeux artistiques ou sociologiques, qui s’affranchirent totalement ou partiellement des décors de studio pour placer leurs caméras dans des lieux de vie, de passage ou de travail. Le néo-réalisme, ni ses épigones de la Nouvelle Vague n’ont inventé le tournage en extérieur. Cela commence par les premières vues Lumière et se poursuit aujourd’hui dans des projets portés par des préoccupations de réalisme ou d’authenticité. La première qualité de 125, rue Montmartre, réalisé en 1959 par Gilles Grangier, est documentaire. Nous y découvrons un métier aujourd’hui en voie d’extinction, autrefois répandu dans toutes les grandes villes : celui de crieur de journaux. C’est la profession qu’exerce Pascal, le héros de cette histoire. Ses pérégrinations dans les rues de Paris et sur les quais de la Seine vont le conduire à une étrange rencontre avec un homme suicidaire, qu’il sauve de la noyade. C’est le début d’une intrigue policière retorse, sur le thème du faux coupable, qu’on est en droit de considérer comme secondaire. Ce polar permet à Gilles Grangier de filmer le tissu urbain de la capitale à la fin des années 50, des quartiers populaires jusqu’aux maisons bourgeoises du XVIème arrondissement. Le titre du film fait référence à l’adresse des Messageries de la Presse parisienne où les crieurs venaient prendre les journaux. Aidé par les dialogues de Michel Audiard, Lino Ventura façonne son personnage de dur à cuire. Ses nerfs sont mis à rude épreuve par l’histrion Robert Hirsch.

 

125, rue Montmartre est diffusé lundi 16 janvier à 20h50, en version restaurée. Le film a été édité par Pathé en combo DVD/Blu-ray.

 

 

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Un commentaire

  1. Martin V dit :

    Bonjour Olivier (je me permets de vous appeler Olivier),

    Merci pour la diffusion de ce film relativement oublié et pourtant tout à fait réussi, d’une grande maitrise à tous les étages. La copie proposée par Pathé était d’ailleurs de toute beauté.

    G. Grangier bénéficie d’un retour en grâce ces dernières années, sous l’impulsion notamment de feu B.Tavernier, qui lui mentionnait dans ses « Voyages à travers le cinéma français », et la ressortie des entretiens du réalisateur avec F. Guérif en 2021. Et la reprise de ce film y contribue tout autant.

    Vous avez raison de souligner l’attention portée à la description du métier et du quotidien de ce vendeur de journaux à la criée incarné par Lino (qui n’est ici, ni un flic, ni un gangster, mais un « prolo » attachant). Peut-être est-ce dû à la présence de ce dernier et de Dora Doll, qu’on avait pu voir tous les deux dès « Touchez pas au Grisbi », mais cet attachement au petit peuple de Paris et à leurs métiers m’a fait penser à ce qu’avait pu faire un Becker quelques années avant, avec « Antoine et Antoinette » par exemple (là aussi un film en « deux temps » comme dans « 125, rue Montmartre »).

    En revanche, je ne vous suivrais pas en ce qui concerne l’intrigue policière que j’ai trouvée pour ma part remarquablement ficelée, surprenante pour peu qu’on s’abandonne à l’histoire du film, comme elle surprend Lino (à deux doigts de finir comme le dindon de la farce) et que Jean Desailly, dans un régal d’interprétation du commissaire flegmatique et malin (qu’un diner avec un académicien vient de raser, mais qui use tout de même de l’imparfait du subjonctif sur les lieux d’une scène de crime !), et une Andréa Parisy très à l’aise dans un rôle de garce, illuminent.

    Si le film change de registre à ce moment-là, les deux parties se répondent malgré tout avec une grande évidence. En guise d’exemple, le jeu relativement affecté et maniéré de R. Hirsch (dans la première partie) trouve sa justification par la suite. L’écart de jeu – et de formation – entre Lino et lui (autodidacte vs acteur de conservatoire/Comédie Française) fait aussi le sel de la première partie, un Buddy Movie où le couple doit forcément être mal assorti.

    Et c’est sans oublier l’épilogue épatant à Medrano, qui peut se voir aussi comme un hommage à Hitchcock (j’ai personnellement pensé à son équivalent dans « Jeune et Innocent » où le batteur/assassin grimé était démasqué).

    Merci encore !

    Cinéphiliquement,
    MV

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