Olivier Père

PTU de Johnnie To

Dans la lignée de The MissionPTU (2003) appartient sans conteste à la veine indépendante et libre, voire expérimentale et avant-gardiste, de Johnnie To, cinéaste qui oscille en permanence entre le statut d’auteur et de faiseur. PTU apparaît comme l’exacerbation de son ego d’artiste, et davantage que The Mission, donne à voir une leçon de cinéma et un véritable objet de recherche et d’exploration cinématographique, à la fois ludique et frisant l’abstraction. Il s’agit pourtant d’un polar urbain, une histoire de flics et de gangsters mêlés à une affaire de vol d’armes et de corruption, dans la lignée de ses précédents films et des polars fabriqués à la chaîne dans l’ex-colonie britannique. Mais son traitement formel, son scénario et l’extrême stylisation de sa mise en scène l’éloignent du tout-venant de la production hongkongaise du début des années 2000. Le titre énigmatique, PTU, désigne une brigade de la « Police Tactical Unit », en lutte contre la criminalité dans le quartier du port de la ville de Hong Kong. L’action est concentrée sur une nuit, et suit les trajets croisés de plusieurs personnages : le sergent Lo qui s’est fait voler son armes par une bande de voyous, et tente par tous les moyens, même illégaux, de la retrouver ; l’officier zélé Mike ; l’inspecteur Cheung de la police criminelle qui enquête sur la mort d’un chef de gang… PTU pourrait se résumer à une ronde de nuit, parfois grotesque, parfois anecdotique, qui suit plusieurs trajectoires qui semblent aléatoires et débouchent pourtant sur un « climax » violent et chorégraphique. La beauté quasi hypnotique du film de To réside dans la parfaite captation de la poésie nocturne de la ville, dans ce mélange de trivialité et de sophistication qui caractérise les meilleurs films d’ambiance urbaine. Il n’est pas interdit de comparer le film de To aux premiers essais de Wong Kar Wai, eux aussi des déambulations nocturnes dédiées aux destins croisés de personnages ambivalents et opaques (As Tears Goes By, l’excellent premier film de WKW). PTU se pare des oripeaux séduisants du film de genre, mais comme The Mission, excède les règles du thriller pour offrir aux spectateurs une brillante leçon de cinéma mâtinée d’une promenade poétique dans les rues de Hong Kong.

Spectrum a fait du beau travail qui ravira les fans du cinéma de Hong Kong en proposant non seulement PTU mais aussi une saga dérivée, moins connue du grand public. Le succès de PTU à Hong Kong a en effet engendré une série de cinq films tournés dans la foulée entre 2008 et 2009, tous produit par Johnnie To et qui reprennent les acteurs principaux du film original, Simon Yam et Maggie Siu. Ces films ne sont pas à proprement parler des « suites » du premier PTU mais ils forment un ensemble cohérent au traitement hyperréaliste, directement destiné au marché vidéo et à la télévision à l’exception du cinquième film sorti dans les salles hongkongaises. Le coffret, qui contient de nombreux suppléments et commentaires critiques, est également accompagné d’un livre d’environ 160 pages sur PTU. Il est écrit par Michel Ingham, enseignant-chercheur à l’Université Lingnan de Hong Kong, et il pose un regard passionné de connaisseur sur Hong Kong, PTU, et Johnnie To.

 

Coffret Blu-ray PTU l’intégrale,  édité par Spectrum Films.

 

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