Olivier Père

Angel et La Vengeance de l’ange de Robert Vincent O’Neil

Voilà un film qui doit sa réputation davantage à son affiche et son accroche publicitaire (« bonne lycéenne le jour, bonne p… la nuit ») qu’à sa valeur intrinsèque. Les retardataires qui le snobèrent lors de son exploitation en salles et surtout en vidéoclubs où il connut un certain succès peuvent remercier Carlotta de leur offrir une séance de rattrapage.  La « Midnight Collection » de l’éditeur cinéphile propose des petits classiques de la génération VHS, présentés dans des versions HD dont ils n’avaient sans doute jamais rêvé. La citation sur l’affiche n’était pas mensongère. Angel (1984) a pour protagoniste une lycéenne modèle de quinze ans qui se transforme en prostituée la nuit sur Hollywood Boulevard. La pauvrette a été abandonnée par une mère indigne et elle n’a pas trouvée d’autre solution que la prostitution pour payer son loyer et sa scolarité. Adoptée par une petite communauté de sympathiques marginaux familiers des trottoirs de la ville (travestis, clowns), elle voit plusieurs de ses amies prostituées être sauvagement assassinées par un tueur en série. Le plus vieux métier du monde a inspiré de nombreux chefs-d’œuvre du cinéma et de la littérature. Il a aussi engendré des productions plus modestes voire crapuleuses dans le créneau du cinéma violent et érotique, où des supposées préoccupations sociologiques et féministes servent souvent au racolage des spectateurs masculins. Production New World Pictures, Angel (1984) constitue l’un des fleurons du cinéma d’exploitation américain des années 80. Le tournage en extérieurs, au ras du bitume et dans les nuits chaudes de L.A. pouvait laisser espérer un film à forte teneur documentaire. Las, sans aucune allusion à la toxicomanie ou au proxénétisme, Angel est tout aussi irréaliste, dans un registre différent, que Pretty Woman. On y retient surtout une galerie de personnages pittoresques parmi lesquels un cow-boy d’opérette campé par un Rory Calhoun vieillissant, ou une logeuse lesbienne interprétée par l’excessive Susan Tyrell. Angel est également notable par la caractérisation de son serial killer, éphèbe misogyne adepte du body building et de la nécrophilie, qui se déguisera en membre de la secte Moon pour échapper à la police et poursuivre sa croisade vengeresse contre la frêle Angel. Son profil rappelle celui de l’inquiétant karateka psychopathe, tueur de strip-teaseuses, de New York deux heures du matin d’Abel Ferrara, réalisé la même année.

Le réalisateur d’Angel et sa suite, Robert Vincent O’Neil, débuta sa carrière avec des petits films d’horreur ou d’action fauchés, parmi lesquels Blood Mania (thriller érotique inédit en France mais distribué en Belgique sous le titre Pornomania) et Wonder Women (Ongles rouges et cuisses d’acier), sympathique film d’espionnage au féminin tourné aux Philippines. On pourrait ainsi ranger O’Neil dans la catégorie des « women’s director » du cinéma d’exploitation américain. O’Neil est également connu pour avoir écrit le scénario de Vice Squad (Descente aux enfers) de Gary A. Sherman, éprouvant polar urbain situé dans le monde de la prostitution qui préfigure Angel et proposait un inoubliable personnage de maquereau sadique. Angel sera suivi d’une suite un an plus tard, Avenging Angel, dans laquelle Molly, la prostituée mineure du premier film, se transforme en justicière de la nuit. Le titre français en est La Vengeance de l’ange, à ne surtout pas confondre avec L’Ange de la vengeance de Ferrara. En raison de la pingrerie du producteur Sandy Howard, Betsy Russell remplace Donna Wilkes dans le rôle d’Angel et Robert F. Lyons Cliff Gorman dans le rôle du protecteur Lieutenant Andrews. Seuls Rory Calhoun et Susan Tyrell rempilent. Le film est encore plus absurde que le premier, et lorgne vers le cartoon et la bande dessinée, avec un enchaînement de situation cocasses ou brutales. Faute de disposer d’un scénario cohérent, O’Neil réussit quelques scènes d’action étonnantes, comme le massacre d’une famille par des tueurs de la mafia au son du Why ? de Jimmy Somerville. Ce moment videoclipesque dont le style évoque les polars 80’s de Michael Mann vient souligner la dimension queer des Angel-films. Il y eut aussi en 1988 un Angel III réalisé par Tom De Simone, une ancienne gloire du porno gay reconverti dans le slasher et le film de prison de femmes. Il est présent dans le coffret Carlotta mais nous ne l’avons pas (encore) vu.

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