Olivier Père

L’Arbre, le Maire et la Médiathèque de Éric Rohmer

ARTE diffuse L’Arbre, le Maire et la Médiathèque (1992) de Éric Rohmer, avec Pascal Greggory, Arielle Dombasle et Fabrice Luchini lundi 28 juin à 20h55. Le film sera disponible gratuitement en télévision de rattrapage sur Arte.tv pendant 90 jours, jusqu’au 25 septembre.

Le maire socialiste d’un petit village vendéen décide de faire construire un centre culturel. Il se heurte à l’opposition de l’instituteur, qui pense que cette médiathèque détruira l’harmonie du village. L’Arbre, le Maire et la Médiathèque est le seul film ouvertement pensé comme politique par Éric Rohmer, qui s’est toujours tenu à l’écart de l’idée d’engagement ou de parti. Le cinéaste y aborde deux sujets chers à son cœur, l’écologie et l’urbanisme. L’écologie est la seule cause pour laquelle Rohmer se sentait prêt à militer, tandis que les lieux et espaces d’habitation (dans les villes, banlieues, campagnes), comparés entre eux, ont toujours tenu une place prépondérante dans les affects et dilemmes des protagonistes de ses contes moraux et comédies. Rohmer aimait les fables de La Fontaine et son film débute à la manière d’une version moderne et pleine d’esprit du Rat des ville et du Rat des champs. Le maire vante les plaisirs et les avantages de la ruralité tandis que son amie romancière parisienne exprime son enthousiasme pour l’agitation et l’énergie citadines. Un projet architectural ambitieux va accentuer leur désaccord. Réalisé en au début des années 90, le film ne nous a jamais semblé aussi contemporain et converse avec l’époque que nous traversons : il était en fait en avance sur son temps. Si la question de la délocalisation culturelle était déjà d’actualité depuis la décennie précédant sa réalisation, le film anticipe le phénomène des néo-ruraux et même du télétravail, puisqu’on y évoque la possibilité de travailler à domicile, sans être obligé de subir les inconvénients des grandes métropoles. Le film remet aussi en question l’idée de progrès à tout prix, de la transformation inutile du paysage sans discernement et à des fins électoralistes, sans pour autant imposer un point de vue contre un autre. Rohmer n’a jamais été aussi renoirien. L’Arbre, le Maire et la Médiathèque est un film où « tout le monde à ses raisons », et les exprime avec clarté et conviction, lors de joutes verbales, de monologues exaltés (Fabrice Luchini en grande forme) et même de chansons. Réalisé avec une équipe ultra réduite, en 16mm et au gré des disponibilité des comédiens, L’Arbre, le Maire et la Médiathèque marque aussi l’aboutissement d’un modèle économique qui prône la liberté et la légèreté. Ces conditions de tournage aux confins de l’amateurisme, tant appréciées par Rohmer, n’empêchent pas le cinéaste de signer un film à la beauté souvent picturale, avec un sens du cadre et des volumes extrêmement précis. L’interprétation est savoureuse et permet à L’Arbre, le Maire et la Médiathèque de prétendre au statut de film le plus drôle d’Éric Rohmer.

 

 

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