ARTE.tv propose gratuitement jusqu’au 3 juin Daft Punk’s Electroma (2006) qui sera également diffusé sur ARTE vendredi 28 mai à 23h30. Daft Punk’s Electroma demeure l’unique film de cinéma réalisé par Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homen-Christo. Contrairement à Interstella 55555 confié à l’animateur japonais Leiji Mastumoto en 2003, Electroma ne se présente pas sous la forme hybride d’un long clip promotionnel aux ambitions artistiques. D’abord pour la simple raison qu’on n’y entend pas la musique de Daft Punk. Ensuite parce que les deux musiciens français décident de s’atteler eux-mêmes à la mise en scène. Electroma a été tourné dans le désert californien, en 35mm. Thomas Bangalter en signe lui-même la photographie. Lors de la préparation du film, il aurait démonté une caméra pour en comprendre le mécanisme. Sans parole mais doté d’une bande-son extraordinaire où se côtoient Haydn et Brian Eno, Curtis Mayfield et Chopin, le film prend l’allure d’un voyage sensoriel, rythmé par des morceaux musicaux empruntés au répertoire classique ou rock, et soigneusement choisis par Bangalter et Homen-Christo dans leur discothèque idéale. Le résultat sidère par sa beauté plastique et sa puissance visuelle, preuve que le duo envisage la mise en scène cinématographique avec le même degré de perfectionnisme, d’invention et de liberté que la musique électro. A la fois cinéphiles affirmés et cinéastes néophytes, ils s’aventurent sur le territoire du cinéma pour ajouter une pièce célibataire mais pas anecdotique du tout à leur propre mythologie, centrée autour d’une identité robotique. Le film épouse la trajectoire tragi-comique de deux robots en quête d’humanité, de leur tentative ratée de transformer leurs casques en visages grâce à la chirurgie, jusqu’à leur suicide (ou autodestruction) dans le désert. Electroma s’ingénue à déplacer la représentation du corps et de la figure humaine sur des supports naturels inattendus et grandioses (montagnes, dunes de sables), à la manière d’une contamination du paysage, tandis que l’opération des deux robots débouche sur un simulacre grotesque et pathétique.
Electroma emprunte au road-movie, a la science-fiction aussi bien qu’au land art et au vidéoclip. La proximité avec des films passés (Kubrick, Antonioni) ou présents (Van Sant, Gallo) n’empêche pas le duo de créer une œuvre originale, d’imaginer des visions sidérantes, qui s’impriment durablement dans l’esprit du spectateur, à la manière d’un trip hypnotique et désespéré. Ce n’est pas un hasard si Daft Punk a choisi un extrait de la fin du film pour annoncer sa dissolution sur internet. En 2006 les deux musiciens avaient déjà rêvé, et mis en scène la mort de leurs avatars de cuir et d’acier dans une cérémonie extatique, silencieuse et incandescente.
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