Olivier Père

Miller’s Crossing de Joel et Ethan Coen

Dans le cadre de son « printemps du polar », ARTE diffuse Miller’s Crossing (1990) lundi 26 avril à 22h55. Ce film très ambitieux fit forte impression au moment de sa sortie, malgré son échec public. Cinéphiles un brin potache au début de leur carrière, les frères Cohen avaient décidé avec leur troisième long métrage de réaliser le polar maniériste ultime, en puisant pour cela dans trente ans de relecture d’un genre touché par la mélancolie et des détournements formalistes inattendus dès les années 60. Une histoire d’amitié et de trahison entre gangsters, associée à la symbolique du couvre-chef ? On pense bien sûr au Doulos de Jean-Pierre Melville. Un tueur qui évolue entre deux camps rivaux, semant la violence sur son passage ? On pense bien sûr à une nouvelle version pirate de La Moisson rouge de Dashiell Hammett, précédemment adapté en film de samouraïs dans Yojimbo d’Akira Kurosawa et en western italien dans Pour une poignée de dollars de Sergio Leone. Un soin maniaque accordé aux costumes et aux ambiances rétros, stylisées avec un luxe inouï ? Une femme entre deux hommes ? On pense à Il était une fois en Amérique toujours de Leone… En égrenant cette longue liste de références, on n’oublie pas que les frères Coen ne sont pas que des copieurs sans originalité. Ils brillent grâce à leur sens de l’humour noir et leur talent à inventer une galerie de seconds rôles magnifiquement écrits et interprétés (par exemple le voyou homosexuel campé par John Turturro). Les arabesques de la mise en scène dessinent des circonvolutions tortueuses. Les décors circulaires et confinés enferment les personnages dans des espaces qui évoquent une prison mentale. Cette dimension de « film cerveau » se confirmera avec le film suivant de Joel et Ethan Coen, Barton Fink, réalisé un an plus tard.

 

 

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