Olivier Père

Raccrochez, c’est une erreur ! de Anatole Litvak

ARTE diffuse Raccrochez, c’est une erreur ! (Sorry, Wrong Number, 1948) de Anatole Litvak lundi 22 février à 20h55. Ce classique du film noir hollywoodien est adapté d’une pièce radiophonique, et cela se comprend dès les premières minutes. Une actrice, pas des moindres (la géniale Barbara Stanwyck) occupe seule la « scène » et parvient, par les puissances combinées de sa voix et de la situation dramatique, à faire avancer l’action du début à la fin. Certes, la transposition au cinéma par l’auteure de la pièce (Lucille Fletcher) enrichit le matériau original de plusieurs flash-back et récits rapportés, qui éclairent progressivement une intrigue criminelle très embrouillée. Mais la particularité du film tient au principe du suspense en huis-clos et en temps réel, qui structure sa narration. Une femme invalide, clouée sur son lit dans une immense demeure vide un soir en plein cœur de New York, surprend par accident une conversation téléphonique où deux hommes planifient un meurtre. En contactant certaines personnes et en faisant appel à ses souvenirs, elle mène en quelques heures une enquête immobile qui la conduira jusqu’à l’invraisemblable vérité. Le film d’Anatole Litvak appartient à son époque – entièrement tourné en studio, y compris pour les séquences de rues new-yorkaises – mais contient en germe une figure centrale du film d’angoisse moderne : une femme seule et réduite à l’impuissance, assiégée par une menace invisible qui envahit progressivement un espace confiné et avant de se jeter sur sa proie. Le film noir américain, débarrassé ici de toute influence documentaire, se caractérise par son exploration des recoins les plus vils de la psyché humaine. Dans les flash-backs, les personnages sont mus par l’arrivisme, la vénalité, l’égocentrisme, la soif de contrôle et de domination des autres. Barbara Stanwyck interprète une richissime héritière qui n’écoute que son désir et vole à une jeune femme son fiancé (Burt Lancaster), l’un des employés de la compagnie pharmaceutique de son père (Ed Begley). La terreur croissante qu’elle éprouve lors de cette longue nuit d’attente, loin d’apparaître comme un châtiment mérité, déclenche in extremis un sentiment d’empathie de la part du spectateur. Le pessimisme de la fin provoque un effet glaçant, même si tous les éléments mis en place dans le film convergent logiquement vers une issue tragique. Raccrochez, c’est une erreur ! a certainement influencé l’un des sketches du film de Mario Bava Les Trois Visages de la peur, dans lequel une femme était harcelée au téléphone par un maniaque qui finissait par faire intrusion dans son appartement.

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10 commentaires

  1. Jeannot dit :

    Dernier billet de ce blog ? Ce serait bien dommage car vous savez e citer notre curiosité. Viens de voir Aga : une splendeur fort émouvante. Merci.

  2. damien dit :

    plus possible de commenter…?

  3. damien dit :

    bonjour,
    je reçois le message « L’accès à http://www.arte.tv a été refusé. Vous n’êtes pas autorisé à consulter cette page. » quand je veux publier sur les films de l’année 2020…

    • Olivier Père dit :

      Bonjour, je vais me renseigner au sujet de ce problème technique. D’autres internautes ont pu laisser un message sur cette page.

  4. damien dit :

    Merci Olivier

  5. damien dit :

    Il y a-t-il un nombre maximal de signes dans les commentaires? on dirait que c’est à ce niveau que ça bloque

  6. Bruno CHEVILLARD dit :

    Personnellement je n’ai eu aucun sentiment d’empathie envers l’héroïne qui ne mérite que ce qui lui arrive. Et en plus ça lui arrive lentement, elle a bien le temps d’en profiter. Comme quoi son bel argent n’a pas pu tout lui procurer.

  7. Olivier Père dit :

    Aucun personnage n’est vraiment sympathique dans le film, sauf la fiancée de Burt Lancaster.

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