ARTE diffuse La Vie aquatique (The Life Aquatic with Steve Zissou, 2004) de Wes Anderson mercredi 20 janvier à 20h55.
C’est sans doute mon film préféré de Wes Anderson, et un titre majeur du cinéma américain des années 2000. Plébiscité par les cinéphiles et le public européen au moment de sa sortie, ce fut pourtant le plus gros échec de son auteur sur le territoire américain. Il faut dire que La Vie aquatique, doté d’un budget très confortable et distribué à grand frais par Touchstone, filiale de Disney, n’est pas vraiment la comédie familiale farfelue à laquelle les cadres du studio hollywoodien pouvaient s’attendre. Disposant d’une totale liberté après le succès surprise de La Famille Tenenbaum, le dandy texan y peaufine son écriture ultra-stylé, mélange de faux dilettantisme et de sophistication visuelle et narrative. Obsédé par le moindre détail, Wes Anderson exerce sur tous les éléments de son film un contrôle absolu et presque maniaque. Ses constructions en forme vignettes n’excluent pas une impression de fantaisie, d’imprévu et de liberté. Son goût de la ligne claire vient s’enrichir de toute une palette d’images et de sons : tournage dans des lieux paradisiaques en Méditerranée, effets spéciaux poétiques, sublimes reprises de David Bowie en portugais par le Brésilien Jeu Sorge qui ponctuent le film. L’argument de départ pourrait faire penser à une plaisanterie à l’humour potache. La Vie aquatique nous embarque dans les aventures d’un océanographe farfelu et vieillissant inspiré par le commandant Cousteau, lancé à la poursuite d’un requin-jaguar qui a mangé son partenaire. Le film multiplie les épisodes cocasses ou tragi-comiques parfois traités sur le mode de la bande-dessinée comme l’attaque de pirates modernes. Mais la beauté du film réside ailleurs que dans cette luxuriante farandole maritime. La Vie aquatique rassemble un équipage hétéroclite d’accidentés de la vie et de cœurs solitaires. La quête des origines, les illusions amoureuses, les liens familiaux compliqués et la rivalité entre générations constituent le terreau fertile d’un tissu romanesque particulièrement dense, où il est question de maternité, de deuil, d’échec et de vengeance. Les relations conflictuelles père-fils, comme souvent chez Anderson, constituent le cœur de son récit. L’enfant est plus adulte que son père, et les deux hommes courtisent la même femme. Pourtant, la construction chorale accorde une importance particulière à chaque personnage. La Vie aquatique amuse et enchante mais l’émotion prend le dessus lorsque la mort, soudaine et injuste, s’y invite. Interprétations admirables de Bill Murray et Owen Wilson, acteurs fétiches d’Anderson, rejoints par une pléiade de magnifiques comédiens, Cate Blanchett en tête.
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