Olivier Père

Le Mort-vivant de Bob Clark

Contredisant l’annonce officielle de sa mort par l’armée, un jeune appelé rentre chez ses parents. Le bonheur de retrouvailles est de courte durée. Andy a bien été tué au Vietnam et s’est transformé en créature insensible et assoiffée de sang, qui a besoin de tuer pour éviter la décomposition de son enveloppe charnelle.

Le Mort-vivant (Dead of Night, 1974) délaisse la mythologie du non-mort, telle qu’elle avait pu être illustrée dans la littérature et le cinéma gothiques, ou les rêveries poétiques de Jacques Tourneur. Le film de Bob Clark s’inscrit dans la tendance critique du nouveau cinéma fantastique des années 70, amorcée dès 1968 par La Nuit des morts vivants de George A. Romero, jalon capital dans l’évolution d’un genre désormais voué à l’exploration des limites de la représentation cinématographique mais aussi à la contestation et à la satire sociale. Baignant dans une ambiance lugubre, peinture de l’ennui et des névroses provinciales, Le Mort vivant étudie la condition de zombie comme un double symptôme. Symptôme de l’hystérie de la mère du jeune défunt qui refuse la mort de son fils au combat et provoque sa résurrection sous la forme d’un monstre affamé et froid ; symptôme de la mauvaise conscience d’une nation qui envoie ses enfants se faire tuer au Vietnam et subit l’après-coup traumatique de leur retour. Le film possède la particularité de reconstituer six ans plus tard le couple formé à l’écran dans Faces de John Cassavetes. John Marley et Lynn Carlin sont en effet mari et femme dans Le Mort-vivant, et incarnent une nouvelle fois une vision malheureuse de la petite bourgeoisie pavillonnaire américaine. Ils sont tous les deux remarquables, et renforcent par leur jeu l’hyperréalisme souhaité par le réalisateur et son scénariste Alan Ormsby, loin de l’approche parodique de leur premier film en commun, Children Shouldn’t Play with Dead Things. Le Canadien Bob Clark signe une réussite incontestable, dans un registre grave et dépressif (on songe à Martin de Romero ou aux premiers Cronenberg). Ce petit classique du film d’horreur politique est plus proche du dolorisme masochiste que de la violence militante.

 

Disponible en Blu-ray, édité par BQHL.

 

 

 

Catégories : Actualités

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