Olivier Père

L’Héritière de William Wyler

ARTE diffuse L’Héritière (The Heiress, 1949) lundi 3 août à 20h55.

« A la fin du XIXème siècle, Catherine Sloper vit dans une riche demeure de Washington Square en compagnie de son père, un veuf richissime et tyrannique. La jeune fille, timide et sans grands attraits, fait la rencontre du séduisant Morris Townsend lors d’un bal. Le jeune homme lui fait aussitôt une cour empressée. Devenant un habitué de la maison des Sloper, il demande la main de Catherine à son père. Mais, celui-ci ne tarde pas à accuser le jeune homme d’être un coureur de dot et refuse… »

William Wyler n’est toujours pas sorti du purgatoire de la cinéphilie. Jamais un cinéaste américain n’a été autant admiré et couvert de lauriers de son vivant puis méprisé et oublié par les générations suivantes. Son œuvre suscite au mieux un ennui poli, et le cinéaste est désormais considéré comme un parangon d’académisme impersonnel. C’est assez injuste et Wyler mérite d’être redécouvert, et certains de ses films, pas forcément les plus célèbres, réévalués. Mais ses grands succès sont aussi à la hauteur de leur réputation : Les Plus Belles Années de notre vie (1946) est un chef-d’œuvre tandis que Ben-Hur (1960), l’une des plus spectaculaires superproductions hollywoodiennes jamais réalisées, continue de ridiculiser les blockbusters contemporains.

L’Héritière appartient à la série des films de prestige que Wyler réalisa dans les années 30 et 40, productions en costumes adaptées d’œuvres littéraires. Le film s’inspire d’une pièce de théâtre, elle-même tirée du roman de Henry James « Washington Square ». Cette histoire cruelle se déroule presque entièrement dans une demeure de la haute société new-yorkaise. Wyler renforce ce sentiment d’enfermement par son utilisation subtile des décors tandis que sa mise en scène privilégie les longs plans et accentue la profondeur de champ. Ainsi Wyler ne cherche pas à effacer les origines théâtrales de son film mais les intègre au contraire dans sa gestion de l’espace et du cadre, remarquables. L’Héritière repose sur des bases solides, mais l’ensemble est transcendé par la qualité exceptionnelle de l’interprétation, confiée à un quatuor de comédiens venus d’horizons divers : le shakespearien Ralph Richardson dans le rôle du père, Miriam Hopkins dans celui de la tante, le jeune Montgomery Clift dans celui du prétendant ambigu et Olivia de Havilland dans celui de l’héritière. Olivia de Havilland qui fut l’une des incarnations du glamour hollywoodien à l’écran est géniale dans ce rôle de composition, enlaidie par le maquillage pour interpréter une jeune femme au physique ingrat et aux manières maladroites. Elle justifie à elle seule le visionnage de L’Héritière. C’est de la belle ouvrage. Wyler se montre peut-être sans génie mais son perfectionnisme et la précision de sa direction d’acteurs accouchent d’un excellent drame psychologique, quintessence du « women’s picture ».

La performance d’Olivia de Havilland fut récompensée par l’Oscar de la meilleure actrice en 1950. L’actrice américaine a fêté son cent quatrième anniversaire le 1er juillet.

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3 commentaires

  1. finot stéphane dit :

    je vous trouve un peu dur avec Wyler. ses oeuvres ne sont pas impersonnelles, c’était un peu le Spielberg de l’epoque. Il a traversé plusieurs décennies et s’est essayé à des genre très différents, beaucoup avec une grande réussite.
    Commençons par « l’Insoumise » , drame assez moderne dans son traitement pour 1938, « Madame Minivers » 1942 fresque familial pendant la guerre, « les plus belles années de notre vie » 1946, drame de guerre et un des premiers sur les séquelles de la guerre et le traumatisme des soldats américains à leur retour au pays, « l’heritière » 1949 , mélodrame intimiste avec un Montgomery Clift a contre emploi, « histoire de détective » polar très interessant en quasi huit clos avec un Kirk Douglas survolté, « vacances romaines », 1953, un classique de la comédie romantique américaine CULTE avec les magnifiques Gregory Peck et surtout Audrey Hepburn, « les Grands espaces » magnifique Western très et trop sous estimé par la critique, sublimé en scope, paysages magnifiques, et avec un sens de la narration inégalable qui font passer les 2h45 très rapidement , je passe sur BEN HUR qui reste un des 100 plus grands films de l’histoire du cinéma bien que le genre en lui même soit un tant soit peu démodé, « la Rumeur », 1960, qui a le culot de mettre en scène un couple homosexuel de femme et qui déconce l’homophobie dans une amérique très puritaine des années 50/60 , donc 60ans avant l’heure… « l’Obsédé » 1965, thriller britannique encore intimiste qui dépeint un déséquilibré obsessionnel envers une femme qu’il ne connait pas .
    Ça fait quand même pas mal de classiques de l’histoire de cinéma pour un cinéaste que certains critiques mettent de côté un peu trop rapidement selon moi

    • Olivier Père dit :

      Vous avez raison victime de son succès il a traversé une longue période de purgatoire après avoir connu un immense prestige mais son oeuvre mérite d’être redécouverte. Beaucoup de grands films à son actif.

  2. Ben dit :

    Très beau film mais on ne peut qu’être déçu par cette fin trop abrupte.

    Selznick à Wyler dans une lettre du 11 novembre 1949 (in « Cinéma-Mémos », Ramsay Poche Cinéma, page 332) :

    « Je regrette de devoir le dire, mais je pense que « l’Héritière (The Heiress) » va connaître un échec, car la fin ne satisfera pas le public, bien que le film soit magnifiquement écrit, réalisé et produit. »

    Bien d’accord avec ce jugement.

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