Olivier Père

Blind Woman’s Curse de Teruo Ishii

L’érotisme sadomasochiste est une dimension importante du cinéma bis japonais. Le grotesque aussi. Cinéaste prolifique et éclectique, Teruo Ishii (1924-2005) est essentiellement connu hors du Japon pour ses films érotico-horrifiques, appartenant à une sous-catégorie du « pinku eiga », le « ero guro » (« grotesque érotique ») souvent inspiré des romans et nouvelles de l’écrivain japonais Edogawa Rampo. Mais il a aussi signé des films de science-fiction pour enfants, des films d’arts martiaux, des films de yakuza… La reconnaissance de Ishii en Occident est tardive. Sur les 83 films qu’il a réalisés entre 1957 et 2001, seulement quatre ont été distribués en salles en France, puis en vidéo pour certains d’entre eux. Les plus fameux sont certainement Femmes criminelles et L’Enfer des tortures, sommets de « l’ero guro », visuellement raffinés, d’une violence et d’un érotisme extrêmes. Ils ont pour thème l’inquisition au Japon, sous l’ère Edo. Dans ses films fantastiques, Ishii témoigne d’une prédilection pour les visions infernales, les déformations physiques et les débordements « gore ». Blind Woman’s Curse (Hîchirimen bâkuto -Nôbarydu takahadâ, 1970) mixe des combats au sabre et des affrontements entre gangs rivaux à des éléments surnaturels et érotiques. Le film est le troisième d’une série connue sous le titre « Nobori Ryu » et réalisée par Ishii. Le film prend souvent des allures de train fantôme ou de musée des horreurs aux couleurs flamboyantes, où les images chocs priment sur la rigueur de l’intrigue. Il y est question de la malédiction d’un chat noir et de la vengeance d’une combattante aveugle. Ou l’inverse. Ce personnage de sabreuse aveugle se présente comme une version féminine du célèbre Zato Ichi, icône de la culture populaire japonaise. La principale attraction du film demeure son interprète principale, la sublime Meiko Kaji, dans l’un de ses premiers grands rôles. Actrice et chanteuse de « enka » (forme moderne de ballade sentimentale), Meiko Kaji a joué dans de nombreux films d’exploitation, d’abord pour la Nikkatsu et ensuite pour la Toho. Les créations les plus mémorable de cette grande vedette du cinéma japonais demeurent La prisonnière Sasori dite « Scorpion » et Lady Snowblood. Elle y incarne des héroïnes dangereuses et expertes dans l’art de tuer, animées par l’esprit de vengeance, le regard noir et le visage impassible. Meiko Kaji est devenue une figure du combat des femmes et de leur émancipation dans la société japonaise.

Disponible gratuitement sur ARTE.tv du 1er juin au 29 septembre 2020, dans le cadre d’un cycle consacré au cinéma de genre asiatique. Blind Woman’s Curse est également édité, avec d’autres titres de la Nikkatsu, en combo DVD et Blu-ray chez Bach Films.

 

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