Olivier Père

21 Nuits avec Pattie de Arnaud et Jean-Marie Larrieu

ARTE rediffuse 21 Nuits avec Pattie (2015) de Arnaud et Jean-Marie Larrieu mercredi 17 juin à 20h55. Ce film enchanteur nous permet de retrouver les frères cinéastes, natifs de Lourdes, au sommet de leur inspiration hédoniste et poétique. Amoureux de la montagne, bardes de l’ivresse que procure le vin rouge et les femmes mûres, les Larrieu réussissent à faire du neuf avec du vieux, et revitalisent le paysage souvent sinistre de la comédie française. Le vieux, c’est le schéma classique du rat des villes et du rat de champs, même s’il serait plus juste de parler ici de souris. Caroline (Isabelle Carré), une citadine morose, malheureuse dans sa vie et dans son corps, débarque dans un petit village reculé de la région d’Occitanie où sa mère Isabelle dite Zaza, qu’elle n’a presque pas connue, vient de mourir. Elle y fait la rencontre de la sympathique Pattie (Karin Viard), villageoise libérée et guère avare de confidences sexuelles. Les deux femmes vont être confrontées, ainsi que les autres membres de l’accueillante petite communauté, à un événement extraordinaire : la disparition de la défunte, évaporée sur son lit de mort. L’arrivée impromptue d’un ancien amant éploré (André Dussollier), venu assister aux obsèques de sa maîtresse, ne fait qu’épaissir le mystère. L’homme discret ne serait-il pas J.M.G. Le Clézio, dont les livres ornent la bibliothèque de Zaza ? Le prix Nobel de littérature est-il impliqué dans l’enlèvement du corps de Zaza ? Le neuf, c’est tout le reste. A partir de cette intrigue farfelue, les frères Larrieu s’intéressent à la renaissance du désir chez une femme quadragénaire, qui s’épanouit au contact de la nature, sous l’influence croisée de la vigoureuse Pattie et de sa mère, revenue sous la forme d’un fantôme bienveillant. Les frères Larrieu réussissent le pari de mettre en scène un film débordant de sensualité, sans jamais montrer de sexe ni étaler trop de nudité. Le personnage de Pattie fait surgir le trouble grâce flot intarissable de la parole. Les Larrieu enregistrent la puissance évocatrice des mots, qu’ils subliment aussi bien que la forêt et ses arbres protecteurs. La drôlerie du film, la fantaisie des situations (« J.M.G. Le Clézio nécrophile, quel scoop ! » s’exclame Caroline) s’accompagnent d’une atmosphère dionysiaque où le désir et la jouissance circulent de corps en corps, entre les hommes et les femmes, les morts et les vivants. La grâce et la douceur des apparitions du fantôme de Zaza, interprétée par la chorégraphe Mathilde Monnier, évoquent un autre film sur la communion de la chair et de l’esprit, dans un cadre où le monde aquatique et végétal est nimbé de pouvoirs magiques : Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures de Apichatpong Weerasethakul.

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