Olivier Père

L’Homme qui en savait trop de Alfred Hitchcock

En attendant de diffuser prochainement sur son antenne L’Homme qui en savait trop d’Alfred Hitchcock, version 1956, ARTE propose sur sa plateforme le film de 1934, souvent présenté comme le brouillon d’un chef-d’œuvre. Il fut assez fréquent que des réalisateurs de la génération du muet ou du début du parlant mettent en scène deux fois la même histoire, à des périodes et parfois dans des pays différents. Hitchcock ne déroge pas à cette règle, sans doute parce que ce film d’espionnage anglais, même s’il ne compte pas parmi ses plus grandes réussites, obtint à sa sortie un immense succès et lui ouvrit les portes de Hollywood. Le réalisateur a certainement compris qu’il n’avait pas saisi toutes les potentialités d’un récit haletant qui mêle suspens, action et drame, et développera par exemple le rôle de l’épouse dans la version américaine. Grâce à Doris Day et James Stewart, Hitchcock parviendra davantage dans la version en couleurs de faire ressentir la douleur des parents arrachés à leur enfant, et la dimension tragique de ce rapt. Il n’empêche que le film de 1934 demeure un excellent divertissement policier où l’on retrouve la maîtrise du cinéaste, et son génie de la trouvaille visuelle. La mort de l’ami français du couple, en villégiature à Saint-Moritz, est un modèle du genre. En trait de danser lors d’une réception mondaine, une tache grossissante sur sa chemise de smoking lui fait prendre conscience de la blessure mortelle qu’un tireur embusqué vient de lui infliger. A quelques détails et transpositions près, et la suppression du personnage comique du beau-frère qui aide le mari dans son enquête, les deux films partagent le même scénario, avec la fameuse séquence du concert à l’Albert Hall comme point culminant. Dans la version américaine, Hitchcock a supprimé le siège du repaire des espions et la fusillade meurtrière qui s’ensuit, inspirés d’un fait-divers qui avait ensanglanté le quartier de Sidney Street lorsque Churchill était chef de la police. Ce film rappelle l’influence encore très forte de l’expressionnisme allemand dans la période anglaise d’Hitchcock, et en particulier les chefs-d’œuvre de Lang. Pour le rôle du chef des méchants, Hitchcock fera d’ailleurs appel au génial Peter Lorre, inoubliable M le maudit, qui livre ici une performance savoureuse, sa première en langue anglaise.

 

Disponible gratuitement sur ARTE.tv du 24 mars au 30 mai 2020.

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