Olivier Père

Walk the Line de James Mangold

ARTE diffuse Walk the Line (2015) de James Mangold dimanche 22 mars à 20h55.

Mangold est peut-être le dernier cinéaste américain à perpétuer un certain classicisme hollywoodien révolu depuis belle lurette. Mangold ou l’anti-Scorsese. Sans effet de signature voyant, sans auteurisme outrancier, il a fabriqué titre après titre une filmographie à la fois étrange, inégale et cohérente au sein du système des studios. L’une de ses réussites majeures, Logan, n’est-il pas un blockbuster de super-héros Marvel qui délaisse le bric-à-brac de la pyrotechnie pour s’intéresser à la psychologie de ses mutants humanisés, et construire un récit qui reprend les motifs du western Shane ? George Stevens, William Wyler, Elia Kazan… voilà les cinéastes dont Mangold semble revendiquer l’héritage direct, par ses talents de conteur, et l’attention qu’il accorde à ses interprètes. Walk the Line, biopic officiel de Johnny Cash – le film utilise non pas une mais deux autobiographies du chanteur comme principales références – c’est du Kazan, celui d’A l’est d’Eden, du Fleuve sauvage et d’Un homme dans la foule. Nous sommes dans l’Amérique blanche, chrétienne et rurale des années 50 et 60. Comme chez Steinbeck, comme dans la Bible (omniprésente dans le film), tout commence par deux frères, l’élu et la brebis galeuse, dans une famille pauvre de fermiers de l’Arkansas. Manque de chance, c’est l’élu – le fils adoré destiné à devenir pasteur – qui meure enfant dans un terrible accident du travail, déchiqueté par une scie à bois. Le père, alcoolique, fait porter la responsabilité sur le frère cadet, Johnny, absent au moment du drame. Mangold organise son film autour de ce traumatisme. Cash endosse la responsabilité de la mort de son frère, et la faute de ne pas être mort à sa place. Le souvenir du fils mort va le séparer jusqu’à l’âge adulte de son père, homme rigide et conservateur qui ne pardonnera jamais à Johnny d’avoir vécu, d’être devenu riche et célèbre à la place de l’autre. Cash doute de lui, fout son couple en l’air, sombre dans l’alcool et l’addiction aux pilules. L’homme en noir connait la traversée du désert, la déchéance professionnelle, avant de sortir du trou grâce à la base de son public, celle qui lui était toujours resté fidèle : la lie de la société, les damnés de la terre, ceux qui n’ont rien, les taulards. C’est le mythique concert au pénitencier de Folsom en Californie le 13 janvier 1968, destiné à devenir un album live à succès, deuxième axe fort du film. Le frère mort n’est pas le seul fantôme à hanter Cash dans le film. Il rêve de rencontrer Bob Dylan, attend un signal du jeune troubadour, mais les deux bardes des racines de la musique populaire américaine ne communiqueront que par chansons interposées. Enfin, le film se concentre sur la romance entre Cash et June Carter, jolie chanteuse country qui deviendra son âme sœur et la femme de sa vie après une relation adultérine tumultueuse et une demande en mariage impromptue sur scène en plein concert. Joachin Phoenix est presque parfait en Johnny Cash. Trop beau, pas aussi ténébreux que l’original, il en impose quand même sur scène avec sa fameuse manière de jouer de la guitare, comme Quasimodo tiendrait une mitrailleuse. Walk the Line est une chanson géniale de Johnny Cash, c’était aussi un film de Frankenheimer (Le Pays de la violence, 1970) qui contait la liaison destructrice entre un shérif inflexible (Gregory Peck) et une adolescente à se damner (Tuesday Weld) dans un bled paumé du Tennessee. La chanson de Cash collait aux images dès le générique. Film magnifique à redécouvrir. Mais ça, l’ami Carradore s’en occupe…

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