Olivier Père

La Revanche de Frankenstein de Terence Fisher

À la fin des années 50, la modeste société de production britannique Hammer fondée par James Carreras et Anthony Hinds accède à la gloire en réactivant les monstres du patrimoine de l’âge d’or du fantastique américain des années 30. Dracula, Frankenstein, le loup-garou et la momie recouvrent ainsi une seconde jeunesse, grâce à la couleur, une escalade dans la violence, l’érotisme et le sadisme, de nouvelles stars du genre (Peter Cushing, Christopher Lee), et le talent du metteur en scène Terence Fisher.

Signés Terence Fisher, assisté d’une immuable et remarquable équipe artistique, Frankenstein s’est échappé (The Curse of Frankenstein, 1957) et Le Cauchemar de Dracula (Horror of Dracula, 1958) constituent deux dates essentielles dans l’histoire du cinéma fantastique et aussi de la production britannique, même si leur statut de films d’horreur de série B leur a longtemps interdit les lauriers de la reconnaissance critique et patrimoniale. Aujourd’hui, la réputation de ces films n’est plus à faire. Hissés au rang de classiques par des admirateurs de plus en plus nombreux, ils sont devenus une référence incontournable pour plusieurs générations de cinéastes et de cinéphiles. Le personnage blasphématoire du baron Frankenstein (l’excellent Peter Cushing) a visiblement passionné et effrayé le puritain Fisher et son scénariste Jimmy Sangster. Les deux hommes déplacent l’attention du spectateur du monstre vers son créateur, présenté comme un personnage antipathique et amoral, au fil de ses aventures macabres et des cinq films que le cinéaste consacrera à l’anti-héros de Mary Shelley. Ainsi, La Revanche de Frankenstein (The Revenge of Frankenstein, 1958) est-il la suite directe du premier film. Condamné à l’échafaud, Frankenstein parvient à s’évader avec la complicité du bourreau, en faisant guillotiner un prêtre à sa place. Il s’installe dans une ville en Allemagne et exerce ses activités de médecin sous le nom de Stein. Ce n’est qu’une couverture pour poursuivre ses expériences de démiurge et se fournir en parties du corps humain qu’il prélève sur ses malades. Jamais le baron n’aura autant éclipsé sa créature dans un film de Terence Fisher. Les auteurs le débarrassent ici de sa cruauté gratuite pour en faire un être génial qui se situe au-delà du bien et du mal. Frankenstein est un scientifique à la personnalité complexe. Mu par une obsession démente, il n’en représente pas moins les lumières du progrès en face d’une bourgeoisie ignare et rétrograde. Le savant se transforme ainsi en libertaire assoiffé de connaissance et d’absolu, dans une société intolérante et rigide. Les personnages secondaires et les intrigues annexes permettent d’introduire une critique féroce du mépris de classe et des inégalités sociales qui définissent l’Angleterre victorienne. Le fantastique selon Fisher s’inscrit dans un cadre réaliste, religieux et politique. La Revanche de Frankenstein, l’un de ses meilleurs films, en offre une brillante démonstration.

 

La Revanche de Frankenstein est disponible en combo blu-ray et DVD avec livret dans la collection British Terrors, édité par Esc distribution. Dommage que nous puissions le revoir avant le premier film de la série des Frankenstein de la Hammer, Frankenstein s’est échappé. Deux autres excellents titres de Terence Fisher sont annoncés : Les Deux Visages du Docteur Jekyll (déjà disponible) et La Gorgone (prochainement).

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