ARTE diffuse Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon (Indagine su un cittadino al di sopra di ogni sospetto, 1970) de Elio Petri lundi 27 mai à 22h30. Ce film inaugure un cycle consacré au cinéma italien, qui fut pendant plusieurs décennies le meilleur du monde, avec cinq titres essentiels signés par certaines des plus fortes personnalités artistiques de l’Italie de l’après-guerre. Surveillez vos programmes, vous pourrez voir ou revoir en juin et juillet sur ARTE Bellissima de Luchino Visconti, Pauvres Millionnaires de Dino Risi, Théorème de Pier Paolo Pasolini et Les Poings dans les poches de Marco Bellocchio. D’autres longs métrages majeurs seront également disponibles sur le site ARTE.tv. Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon est l’un des grands films italiens des années 70. La description du cas pathologique d’un criminel mégalomane, ivre d’un sentiment délirant d’impunité, débouche sur une critique féroce de la police et du pouvoir politique. Le film offre une vision grotesque d’une société plongée dans un climat explosif, où s’installe un jeu pervers entre subversion, terrorisme et répression. Cinéaste de gauche, adepte d’un cinéma de dénonciation, Elio Petri est aussi, et avant tout, un styliste. Il choisit le ton de la fable kafkaïenne et adopte une mise en scène ultra sophistiquée, qui épouse la schizophrénie de son personnage central, commissaire de police génialement interprété par Gian Maria Volonté. Avec ses effets maniéristes et postmodernes associés à une intrigue de thriller, plus la ritournelle obsédante d’Ennio Morricone, Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon aura une influence capitale sur les films de genre signés par Dario Argento. La valeur histrionique de la performance de Volonté, le ton outré et la dimension carnavalesque du chef-d’œuvre de Petri le transforment en compagnon de route des gialli et autres westerns transalpins produits à la même époque.
Vu ce film hier. J’apprécie la mise en scène qui épouse la névrose du personnage, la caméra qui lui colle au corps, au dos (j’ai pensé aux Dardennes!), les effet de glissements, de travelling fuyants qui sont comme des touches de peinture furibondes. Gian Maria Volonté, grand acteur polyvalent (excellent dans un rôle au antipodes dans le Christ s’est arrêté à Eboli) est glaçant dans son délire de toute puissance.
Mais, et c’est un grand mais, le discours est trop radical. Petri se laisse aveugler par un esprit complotiste anti-élite qui dépasse toute les limites de la vraisemblance à force de caricature. A trop vitupérer, le film s’isole dans une attitude de rejet qui ne l’éloigne pas si fort du personnage principal. Au fond, la haine de Petri vis à vis du pouvoir en place n’est elle pas parente du mépris souverain du tueur qui entend, ne fusse que dans son fort intérieur, démontrer la toute puissance du système auquel il appartient, mais que, plus d’une fois, il semble considérer d’un œil extérieur. Au fond, c’est un sociopathe qui ne croit en rien et la façon dont il hurle « la loi! », « l’ordre! », trahit en creux son manque total de conviction; il joue un rôle en permanence comme le petit enfant dont sa maîtresse se moque.
De Petri, avez vous vu « A ciascuno il suo »? Introuvable, j’aimerais le voir….
« dans son for intérieur »… entre autres fautes…
De Petri, Je m’apprête à voir « Les Jours comptés », dont Lourcelles dit bcp de bien.. On verra si ça pourra faire une bonne projection de cinéclub!
je ne l’ai pas vu. Vu il y a longtemps la propriété n’est plus le vol, en garde un souvenir très imprécis.
Je viens de terminer Giorni Contati.
Un film très différent des hyperboles grimaçantes qui ont fait le style de Petri dans les années 70. Ici, on pense à Humberto D, mais avec moins de poésie et plus d’âpreté.
Le personnage principal, magnifiquement interprété par un acteur supérieurement intelligent dans la relation qu’il établit au monde qui l’entoure, est encore un outil de l’économie, encore un acteur; plombier indépendant, il a conservé un peu de libre arbitre dans la marge qu’il lui est laissée, il n’est pas la victime pathétique du film de De Sica. Néanmoins, les traces de néo-réalisme son là, mais refroidies par l’irruption des géométries impersonnelles de la ville qui évoque Antonioni.
Les plans de Petri sont étonnants : plans de grands vides, de traits blancs sus l’asphalte noire, de culs-de-sac, de visages escamotés par le bord du cadre. Pas un personnage épanoui, tous dévorés par un monde cloisonné ou règne l’incommunicabilité.
Un film à découvrir et superbement restauré qui plus est.