Olivier Père

Femmes au bord de la crise de nerfs de Pedro Almodóvar

ARTE poursuit son hommage à Pedro Almodóvar en diffusant Femmes au bord de la crise de nerfs (Mujeres al borde de un ataque de nervios) lundi 6 mai à 22h45.

C’est avec Femmes au bord de la crise de nerfs, son neuvième long métrage réalisé en 1988, que Pedro Almodóvar connait enfin son premier grand succès international et un début de reconnaissance critique. Celui qui passait encore pour un trublion potache de la movida malgré la beauté de films comme La Loi du désir ou Matador accède définitivement au statut de véritable auteur, et de grand cinéaste, capable de transcender un matériau en apparence trivial – parodie de soap opera ou de telenovela emportée par des interprètes hystériques – par la virtuosité de sa mise en scène, qui n’a rien à envier à celle du DePalma du début des années 80 ou du Fassbinder admirateur des mélodrames de Douglas Sirk et Michael Curtiz.

Le point de départ de Femmes au bord de la crise de nerfs est La Voix humaine, qu’Almodóvar veut adapter au cinéma. Mais le texte théâtral de Jean Cocteau est trop court et le cinéaste espagnol doit inventer d’autres personnages, d’autres péripéties et surtout étoffer l’histoire de cette femme sur le point d’être quittée par son amant. Pepa, l’héroïne d’Almodóvar incarnée par la formidable Carmen Maura, est actrice de doublage. Le cinéaste organise un savant réseau de signes et de citations et propose une déclaration d’amour aux femmes et à la comédie américaine des années 50. L’une des scènes les plus frappantes du film organise le télescopage entre le célèbre dialogue amoureux de Johnny Guitare (« lie to me ») de Nicholas Ray et la situation vécue par Pepa qui double Joan Crawford en castillan. Pedro Almodóvar s’inscrit dans la tradition des inventeurs de formes qui n’oublient pas de placer les actrices, muses et complices, au cœur de leurs films. Ce pourrait être un simple exercice de style, un vaudeville postmoderne. C’est au contraire la seconde naissance d’un grand réalisateur.

 

 

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