Olivier Père

J.F. partagerait appartement de Barbet Schroeder

ARTE diffuse J.F. partagerait appartement (Single White Female, 1992) lundi 25 mars à 20h55. Après deux films indépendants tournés aux États-Unis, Barbet Schroeder se coule réellement dans le système hollywoodien avec J.F. partagerait appartement, thriller psychologique qui épouse les tendances du moment. Au début des années 90 la mode aux États-Unis est à l’érotisme et à la violence, grâce aux succès au box-office mondial des films d’un autre trublion débarqué de la vieille Europe, Paul Verhoeven (Total Recall, Basic Instinct). Ce filon va engendrer bon nombre de films médiocres. J.F. partagerait appartement n’en fait pas partie. D’abord parce que Barbet Schroeder, comme Verhoeven, s’intéresse au sexe et à la transgression depuis fort longtemps et que son œuvre sent le soufre – Maîtresse, en 1976, nous plongeait dans l’univers du sadomasochisme de manière très documentée. Ensuite parce que Schroeder, compagnon de route des Cahiers du Cinéma et de la Nouvelle Vague, sait qu’un auteur est capable de signer un film personnel tout en acceptant une commande au sein de la production commerciale. Le genre remplace le sujet, et il s’agit d’un vrai choix de cinéaste cinéphile, qui se souvient à la fois de Vertigo et de Persona. Le thème de la colocataire toxique et mentalement dérangée est un prétexte pour créer un climat de tension sexuelle qui n’exclut pas le commentaire social, avec la séquence de tentative de viol de l’héroïne par son patron harceleur. Barbet Schroeder aime explorer les recoins les plus sombres de l’âme humaine, les méandres de la folie et de la perversité. Il réussit un bel exercice de style hitchcockien en huis-clos. L’intérieur du célèbre immeuble Ansonia à Manhattan, théâtre d’une majeure partie de l’action, est reconstitué en studio, nimbé des lumières maniéristes du grand directeur de la photographie Luciano Tovoli, qui semble se souvenir des outrances fantastiques de Suspiria, autre exploration de la psyché féminine et de la hantise du lieu fermé. J.F. partagerait appartement doit aussi sa réussite à un formidable duo de comédiennes, Bridget Fonda et la fascinante Jennifer Jason Leigh, ce petit ange pervers qui aimait tant naviguer en eaux troubles au début de sa carrière – Hitcher, La Chair et le Sang, Dernière Sortie pour Brooklyn… – poupée martyrisée qui se transforme ici en meurtrière psychopathe.

 

 

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