Olivier Père

Climax de Gaspar Noé

Passer d’un mouvement chorégraphique et joyeux à une transe mortelle et destructrice, c’est tout le programme de Climax, le nouveau film de Gaspar Noé. Noé, c’est le cinéaste qu’une certaine critique officielle adore détester, le garnement du cinéma français qui prend un malin plaisir à provoquer non seulement par ses images chocs mais par sa conception même du cinéma. Chaque nouveau projet implique des méthodes de tournage qui bousculent les habitudes et les préjugés. Climax ne déroge pas à la règle. Le film a été développé, tourné et finalisé en quelques mois à peine, dans un désir de cinéma qui refuse les pesanteurs de la production actuelle.

Climax a été pensé pour échapper à ces contingences de financement et de temps : l’action du film est concentrée dans un lieu unique, et la mise en scène est principalement constituée de plans séquences. Nous sommes dans un pensionnat désaffecté reconverti en local pour stages de danse, dans une forêt, un hiver du milieu des années 90. Ce grand bâtiment et l’époque, propices à l’isolement complet des protagonistes – pas de téléphones portables – va devenir le théâtre d’un ballet euphorique puis d’un déchainement de violence et de folie, dans la grande tradition d’un certain cinéma fantastique européen : Suspiria de Dario Argento ou Bloody Bird de Michele Soavi par exemple. Ici la menace n’est pas extérieure mais vient du groupe lui-même, constitué de filles et de garçons d’origines diverses, dont les profils sont d’abord exposés dans une séquence pré-générique, puis développés au gré du déroulement de l’action. Le LSD versé dans la sangria lors d’une fête ressemble à un gimmick blagueur qui remplacerait le scénario traditionnel, absent chez Noé. Un traitement de quelques pages suffit à enclencher le tournage. Beaucoup de choses s’inventent directement sur le plateau : dialogues improvisés, battle entre danseurs…

Noé ne déroge pas à son nihilisme habituel en observant une communauté en vase clos pour mieux en démontrer l’impossibilité. La drogue n’est qu’un prétexte pour enregistrer l’anéantissement d’un groupe rongé de l’intérieur par la violence, la paranoïa, les mauvaises pulsions et les instincts les plus vils. Gaspar Noé imagine une fiction du dérèglement et observe la montée progressive du chaos. Le film est objectif et se refuse aux effets psychédéliques. Climax est une comédie musicale, un documentaire sur les nouvelles danses acrobatiques telles le voguing, le krump ou le wacking qui se transforme peu à peu en film d’horreur. La mise en scène de Gaspar Noé, entre tour de grand huit, train fantôme, uppercuts visuels, slogans et génériques aux interventions facétieuses, propose une approche ludique de l’avant-garde et de l’expérimentation transposée dans l’univers du cinéma bis. Il faut lui reconnaître un talent extraordinaire pour composer des images renversantes, dans tous les sens du terme. Noé est aussi un excellent DJ et Climax, avec sa compilation explosive de musique techno ou disco ou de morceaux remixés, offre un maelström de musiques et de sons particulièrement jouissif.

Sortie en salles le 19 septembre, distribué par Wild Bunch Distribution.

Catégories : Actualités · Coproductions

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