Hellraiser : le pacte (Hellraiser) marque les débuts de l’écrivain anglais Clive Barker sur la scène cinématographique, en tant que réalisateur et auteur complet. Barker a acquis assez tôt une excellente réputation chez les amateurs de littérature fantastique, qui le comparent à Lovecraft ou Stephen King. Déçu par les précédentes adaptations de ses scénarios à l’écran, Transmutations et Rawhead Rex, Barker (qui avait auparavant mis en scène des courts métrages underground) décide de passer derrière la caméra en 1987 avec Hellraiser, malgré son manque d’expérience et des moyens financiers très limités. Dans le marasme du cinéma britannique des années 80, loin de l’âge d’or du fantastique, Hellraiser apparait comme une entreprise marginale, soutenue par des capitaux américains (la compagnie New World de Roger Corman) et qui ne souhaite pas vraiment afficher ses origines londoniennes. Dans une grande économie narrative et esthétique, Hellraiser se limite essentiellement à un huis-clos situé dans une maison anonyme. Derrière les murs de la maison, ce qui débute comme un psychodrame familial et une histoire d’adultère va bientôt basculer dans l’horreur. Clive Barker se pose en apôtre d’un cinéma gore, organique, viscéral et sexuel. Son univers est sadomasochiste, fétichiste et marqué par l’érotisme gay. L’écrivain réalisateur ne cache pas que ses visions infernales lui furent inspirées par les donjons des boîtes SM de New York, avec leur attirail de chaînes, de lames et de corps masculins ensanglantés. Les personnages torturés de Hellraiser découvrent la jouissance dans la souffrance, dépossédés de leur enveloppe charnelle et soumis aux supplices des crochets, dans des caves ou des greniers poisseux. Malgré son goût pour l’hémoglobine et les images répugnantes Barker ne cède pas au Grand-Guignol parodique et préserve tout au long de son récit un ton sérieux, gothique et malsain. Il invente de nouvelles icônes de l’horreur moderne, les Cénobites, monstrueux prêtres de la douleur surgis d’une dimension parallèle. Cette communication entre des espaces déconnectés qui libèrent dans leurs interstices des forces maléfiques qui défient la raison n’est pas sans évoquer certains films de Lucio Fulci comme L’Au-delà ou La Maison près du cimetière, précurseurs d’un fantastique libéré du moindre carcan rationnel.
Hellraiser fut un succès surprise qui engendra neuf suites. Ce qui aurait pu devenir à l’écran l’équivalent des cycles romanesques de Barker s’enlisa vite dans l’opportunisme commercial et la médiocrité. Le deuxième film tourné dans la foulée, Les Ecorchés, est un prolongement direct du premier opus dont il respecte l’univers sadomaso et surnaturel, avec des effets spéciaux encore plus délirants. Les producteurs auront d’ailleurs des ennuis avec la censure et devront atténuer la violence de plusieurs scènes. Barker prendra rapidement ses distances avec la saga Hellraiser qui transforme le Cénobite Pinhead et ses associés en croquemitaines de carnaval, pour vaquer à d’autres projets personnels dans différentes disciplines artistiques. Nous n’avons pas revu Hellraiser 3 depuis sa projection au Festival du Grand Rex en 1992 mais le résultat nous avait laissé circonspect. De ce brouet informe on retiendra quand même une séquence où des Cénobites sèment la pagaille dans une boite de nuit en se servant de CD comme des étoiles de ninja pour tuer les fêtards.
ESC a édité un coffret blu-ray qui réunit les trois premiers Hellraiser dans des nouveaux masters haute définition, accompagné d’un livre sur la saga écrit par Marc Toullec, et de nombreux suppléments audiovisuels.
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